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Statistique intéressante, sinon alarmiste : il est prévu que la population humaine atteigne 7 milliards en 2011. C’est plus du double de ce qu’elle était lors de la naissance du Métal dans les années ’60 ! Dans cette véritable mer humaine, presque 1 sur cinq seront des Indiens. Parmi un si grand nombre, il se cache forcément des musiciens de talent, futurs artisans d’une scène métal de plus en plus mondialisée. C’est, vous l’aurez compris, de l’Inde que provient Guillotine, et de sa mégalopole : Delhi (22 millions, rien que ça!). Forts des influences d’un style musical maintenant aussi accessible partout sur le globe, les jeunes membres de Guillotine sont issus d'une scène métal encore anémique, mais qui devrait prendre de l'importance dans les années à venir. Forts d’une base Death métal supportée par des guitares et claviers mélodiques, le combo varie aussi le tempo et s’éloigne souvent des blasts beats pour officier dans un métal extrême tentant de briser les chaînes du style. Les guitares se relaient entre riffs et sections mélodiques, qu’elles partagent avec le clavier. Jusqu’ici, l’émulation de groupes phares du Death et du Death progressif est déjà réussie, sans être originale : On reconnaîtra immédiatement la pate d’Opeth, que ce soit dans les screams de Karan ou dans le son des riffs, dans la structure des pièces.


Bien évidemment, la scène Death Prog ne manque actuellement pas de groupes émulant Opeth. Guillotine pose par contre un premier pas en avant pour se démarquer de cette masse : Les membres, dont le plus jeune n’a que 15 ans lors de l’enregistrement de l’album, font déjà preuve d’une maîtrise instrumentale supérieure aux autres clones du groupe suédois. Takar Nabam pousse vite les guitares à un second degré : il ne suffit que d’entendre la manière dont les sections et riffs rythmiques et les passages mélodiques de haute volée sont alternés ou superposés au clavier pour reconnaître l’aisance avec laquelle la base Death est dynamisée, sans tomber dans le démonstratif à outrance. Bien que supporté par un très bon guitariste, c’est aussi grâce aux claviéristes que guillotine parvient à prouver son potentiel instrumental.  Manay et Akshat arrivent à tirer leur épingle du jeu avec brio, à partager et même à assumer à eux seuls l’identité mélodique des pièces. Prenez les surprenants, mais bienvenus arpèges ajoutant une dimension classique rafraîchissante aux riffs et screams de To the Heavens. Ailleurs, ce clavier ou un piano assumera parfois l’arrière-plan derrière la voix ou les guitares, conférant une profondeur aux pièces, un raffinement supplémentaire qui sera souvent découvert qu’après plusieurs écoutes.


À ce point, est-ce que s’appuyer clairement sur l’influence des grands du Death Prog, tout en faisant preuve de talents musicaux surprenants, surtout considérant leur âge, suffit à faire pleuvoir les éloges ? Probablement pas. Mais il y a un autre aspect à la musique de Guillotine dont je ne vous ai pas encore entretenus. Ces 7 pièces, totalisant un court 47 minutes de musique, ne sont pas que peuplées de ces riffs, de ces mélodies, de ces screams que l’on associe facilement au Death. L’aspect progressif de la musique n’est pas restreint à une instrumentation poussée, une association qui suffit d’ailleurs à plusieurs autres groupes pour se coller facilement l’étiquette prog. Le second pas fait par le groupe pour se démarquer est la diversification de la structure des pièces, représentée principalement par des breaks où la base Death est souvent délaissée, en partie ou en totalité, pour faire place à une multitude d’influences. La véritable identité du groupe, c’est ces breaks, ces passages curieux, inventifs, jazzys, souvent portés par un chant clair toujours porteur d’ambiances contrastantes avec la base Death des pièces. C’est dans ces breaks que prennent leur envol les thèmes abordés sur The Cynic, que l’on présume être le personnage, et le concept de l’album. Ce personnage cynique, que l’on peut entendre dans les sections narratives de The Alchemy : Tears of Despair, pose un regard sur la relation que l’homme a avec la religion et sur sa main de fer sur nos sociétés, un concept qui doit décidément être intéressant en Inde. C’est aussi dans ces breaks que les talents musicaux du groupe prennent un second souffle : En l’absence de riffs, la basse prends plus de place et ponctue efficacement les ambiances parfois tranquilles et atmosphériques, parfois inquiétantes, voir machiavélique (Upon my Return) développées par le clavier. Impossible de ne pas reconnaître les influences du rock progressif à la Porcupine Tree dans la seconde moitié de Dystopia. Impossible de ne pas être soufflé par ce piano pur Jazz ! (The Final Siege). Durant ces breaks, les guitares sèches ne sont pas en reste, et quelques brèves apparitions de Sitare rappellent momentanément l’origine du groupe. L’échange entre ces breaks et les sections métal plus conventionnelles est habituellement réussi, et plusieurs sections et solos mid-tempo feront en sorte de ne pas tomber dans le piège d’un clivage trop sec.

Après la découverte de ces breaks et sections instrumentales remplies d’originalité, il est parfois un peu dur de repasser aux sections Death plus conventionnelles. Les premiers riffs de la dernière pièce, Crave, sonnent à ce point un peu ‘déjà-vu’, même si la seconde moitié de la pièce s’avère jouissive. Et il faut bien avouer que le scream de Karan est monotone à la longue et manque de personnalité et de variation. Le chant clair lui est de loin supérieur et peut même être comparable à celui de Mikael Akerfeldt.  Premier album autoproduit oblige, la production de The Cynic est très correcte sans être de premier niveau. Après plusieurs écoutes, il apparaît évident qu’une production de meilleure qualité ne ferait pas de tort, considérant la complexité des pièces et le bon nombre d’influences utilisées.

Sans ces quelques défauts attribuables à la production et à la jeunesse du groupe, cet album se mériterait sans doute un 10. The Cynic transcende sa base Death metal et s’aventure en terrain progressif autant du point de vue instrumental que de celui de la richesse de ses breaks, de leur profondeur ou de leur audace. Bien que peu de groupes émergent encore de cette Inde pourtant si populeuse, Guillotine ne peut qu’apparaitre que comme un des espoirs d’une scène encore très Undergroud au pays de Bollywood. Si jeunes, et déjà si talentueux…l’avenir ne peut que réserver de bonnes choses pour le métal ‘made in Delhi!’




0 Comments 20 janvier 2011
Whysy

Whysy

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