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La barbe de Spock? Et pourquoi pas la cuisse de Batman? La moustache de Magnum? Allez savoir. Malgré ce nom ridicule, qui au départ était une blague, Spock's Beard s'est imposé en près de vingt années de carrière comme un des fleurons du prog américain. Voici son histoire.  Elle commence en 1992, après des années de galère, quand les frères Morse décident de rassembler un groupe pour faire ce qu'ils savent faire de mieux: du prog à l'ancienne. Neal (claviers et chant) et Alan (guitares), recrutent alors le batteur Nick D'Virigilio et le bassiste Dave Meros pour enregistrer leur premier album auto-produit, The Light, qui sort en 1995.  Quasiment sans défaut, The Light est composé de quatre pièces qui tranchent très nettement avec le son de l'époque: The Light, Go The Way You Go, The Water et On The Edge ne ressemblent à presque rien de ce qui avait été produit depuis quinze ans. C'est là le gros point noir de cette oeuvre magistrale, hommage à Genesis, Gentle Giant et Yes, mais qui manque cruellement d'originalité. Même si le son est un peu plus dur qu'en 72, mélodiquement et structurellement c'est criant. Du coup, The Light se retrouve un peu réservé aux fans de classic-prog, mais partiellement seulement puisque le talent unique d'un homme qui va se révéler avec cet album possède une dimension fédératrice qui n'est plus à démontrer. Je veux parler, vous l'aurez compris, de Neal Morse.  Principal compositeur du groupe, Neal donne sur ce premier opus quasiment toutes les clés pour le comprendre et l'apprécier. Si je devais faire un reproche à cet homme, malgré l'immense admiration que je lui porte, c'est que dans The Light on entend déjà assez bien Testimony 2, si vous voyez ce que je veux dire. Bien sûr en 1995 personne n'en sait encore rien, donc on ne va pas le lui reprocher. Mais dès le deuxième album de Spock's Beard, cette regrettable tendance à recycler ses meilleurs gimmicks sera préjudiciable à la qualité de l'ensemble. On en reparlera.  Pour en revenir à The Light, je n'ai pas peur des mots en annonçant qu'il s'agit d'une des oeuvres majeures du prog des nineties, période qui n'est pas, c'est vrai, réputé pour en être un des ferments: Marillion devient plus pop, Genesis est une machine à tube depuis longtemps, Yes se ridiculise toujours un peu plus et parmi les anciens, seul King Crimson (et encore), tient la barre. C'est ailleurs qu'il faut chercher la veine prog, dans le métal de Dream Theater par exemple, ou alors parmi des groupes beaucoup moins réputés, comme The Flower Kings. Au milieu de tout ça Spock's Beard détonne furieusement avec sa manière d'ignorer que les années 80 ont eu lieu.  Les trois premiers morceaux sont un véritable festival de mélodies, de breaks, de tout ce que le prog a fait de mieux entre 69 et 77: un vrai best of. Le tout exécuté magistralement par quatre musiciens en grande forme, sans aucune faute de goût. Les séquences s'enchainent sans lasser, et la qualité exceptionnelle du son est un vrai petit miracle, pour un premier album auto-produit. Les trois premiers morceaux sont de longues pièces aux atmosphères changeantes, blindées de petits bijoux mélodiques et d'ambiances variées toutes aussi réjouissantes les unes que les autres. Les références jazzy sont nombreuses, le groupe évolue comme un poisson dans l'eau dans ce style fusionnel qu'est le prog. Seule la dernière chanson est plus courte mais on reste dans le même esprit, avec une partition de basse hallucinante de Dave Meros. Par moment le groupe se fait plus hard, lorgnant presque vers le metal, comme sur la séquence agressive du milieu de The Water où Neal est loin de ses pérégrinations spirituelles futures. Pour preuve, je vous en offre la phrase d'intro:  You gave me this home and then you left me alone, so fuck you!  On entendra le mot « fuck » deux fois par phrases dans cet extrait tout à fait réjouissant, avec des petits passages croustillants du genre « Qu'est-ce qui te fait croire que j'en ai quelque chose à foutre de ce qu'ils pensent », que du bonheur.  Après une heure à ce rythme, on a juste envie d'en remettre une couche, mais malheureusement le deuxième album, Beware Of Darkness, ne sera pas à la hauteur des attentes. Dommage, car avec The Light Spock's Beard avait vraiment placé la barre très haut. A suivre.

0 Comments 13 juin 2011
Whysy

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