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Cette nuit, la beauté, le mystère du ciel se sont abattus sur la terre. Quelques instants seulement auront suffit pour transformer ces terres accueillantes, en mornes et solennelles étendues forestières, recouvertes par cet infini, ce majestueux manteau blanc. Ebahis par la métamorphose du paysage d’hiver, on s’enhardit, et l’on sort fouler du pied ces terres immaculées. Les fantomatiques et irréelles silhouettes des grands arbres sont menaçantes. On n’ose respirer de peur de troubler cette pureté, et l’on se repaît d’autant plus de cette splendeur que l’on sait éphémère... Apaisés par le silence, fascinés, on laisse une petite brise nous rassurer... Et l’on se prend à rêver, à espérer que cette si belle et mystérieuse neige jamais ne fonde…


Après un premier opus de qualité mais encore hésitant, Agalloch revient, et nous présente un opus bien plus abouti, à l’atmosphère saisissante, proche de la perfection… Un album qui convaincra beaucoup d’âmes mélancoliques et contemplatives, et qui donnera au groupe ses lettres de noblesse. Il y a des albums comme cela ! Lucides, on reste conscients que quoi qu’il arrive, les fans jureront toujours sur cet album, déjà culte et intouchable, avec lequel ils ont découvert le groupe… ; Oui, c’est sûrement ce qui attend Agalloch avec « The Mantle », deuxième album, mais premier coup de maître.

A l’écoute de ce recueil d’odes champêtres, on a beaucoup de mal à se figurer que ce groupe est américain. Car Agalloch est un inclassable, un merveilleux touche à tout, qui impose son style tout naturellement, sans se préoccuper des activités de ses compatriotes. Modeste, discret, attaché à son parfum de mystère, il n’a d’autre désir que d’emmener son auditeur avec lui, dans ses promenades forestières et hivernales. Et il n’a vraiment pas à rougir des inévitables comparaisons qui seront dès lors établies avec ses collègues scandinaves !

Les racines black Metal, encore bien perceptibles à l’écoute de « Pale Folklore », sont maintenant parfaitement digérées, moins évidentes, plus lointaines. Les influences doomesques sont, quant à elles, toujours là, servant d’assise, permettant au groupe de mieux broder autour, d’étayer son propos, sans jamais se départir complètement de la langueur et de la mélancolie caractéristiques du genre. Agalloch s’affirme aussi sous des contours progressifs, proposant des changements de rythmes constants, et une alternance acoustique/électrique, chant clair/extrême, qui n’est pas sans rappeler la démarche des suédois d’Opeth, influence avouée de nos américains. Si je devais oser une comparaison, je dirais que ceux qui ont aimé l’ambiance de l’« Orchid » d’Opeth devraient se délecter de cet album. On retrouve même sur le morceau « You were a ghost in my arms », des passages proches de « Forest of October », notamment ces descentes de toms, avec la grosse caisse, couplées à la guitare folk… Miam !  

Mais le charme de cet album repose beaucoup sur sa saveur folklorique toute particulière. Guitares acoustiques caressantes, utilisation de la contrebasse, aussi originale qu’excellente (« …And the great cold death of the Earth »), recours à d’étranges percussions, et à des instruments anciens, inconnus, mais merveilleux, et prolongeant de beaucoup l’atmosphère très forestière de l’opus.

Subjuguant par la technique de ses membres, le groupe a su établir le parfait compromis entre technique et émotion. Depuis les exceptionnelles parties de batterie de « I am the wooden doors », (quelle introduction !), les breaks jouissifs de « The Hawthorne passage », jusqu’à la perfection des solos, aussi bien acoustiques qu’électriques (le chef d’œuvre « In the shadow of our pale companion », ou la quintessence de l’art unique du groupe), tout est maîtrisé, tout est parfaitement amené, il n’y a rien à dire, juste à se laisser porter... Quoiqu’il en soit, on reconnaît aussi le progressif au fait qu’il faille beaucoup de temps pour se retrouver dans ce labyrinthe musical, fascinant dès la première écoute… Mais bien délicat à appréhender !

Quant au chant, il est lui aussi parfaitement adapté et pourra aussi bien vous faire frissonner que vous plonger dans un état de rêverie mélancolique. Alternant entre un chant black accessible et murmuré, et une voix claire, très douce et éthérée mais collant à la perfection à la musique, la prestation de John Haughm est tout simplement irréprochable.  


En bref, cet album est vraiment excellent, captivant de bout en bout. Depuis la majesté de « In the shadow… » (ah, ce break à la septième minute…Ah, la magistrale alternance des voix !), jusqu’à la délicieusement apaisante et répétitive « The Hawthorne passage » (divisée en deux parties distinctes, mais aussi excellentes l’une que l’autre), aux titres plus typiquement Metal, en passant par les longues instrumentales évocatrices et solennelles (peut-être un peu trop longues… il fallait bien justifier pourquoi cet opus frôlait mais n’atteignait pas la note maximale !), « The Mantle » présente vraiment la bande originale parfaite d’une promenade hivernale en solitaire. Voyez la solitude du cerf de l’image de couverture… Ne désirez-vous pas le rejoindre et partager pour quelques instants sa mélancolique et pourtant si belle escapade forestière ? A découvrir pour les amateurs de doom, de Metal folklorique, ou encore progressif… bref, pour tous, et surtout… sans modération.


Gounouman

0 Comments 21 juin 2007
Whysy

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