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"Cher Tobias, je t'écris pour te dire que je t'aime. Comme un ami, je t'aime bien quoi. Je t'aime beaucoup même, je t'apprécie, je t'envie, tu as peut-être même été mon idéal masculin fut un temps. J'aurais donné beaucoup pour être toi : marrant, beau gosse, chanteur incroyable, musicien de génie et faisant partie du groupe le plus cool de la planète. Te rends-tu compte ? Tu n'avais qu'à claquer des doigts pour que des filles se matérialisent instantanément à tes pieds. Mais ça c'était avant.  J'ai appris à raisonner mes ardeurs, prendre confiance en moi et cesser de t’idolâtrer. Mais j'ai toujours adoré ta musique. "Edguy", Avantasia, chacune des notes que tu produisais semblait relever du génie. Et quand bien même des grincheux se dressaient devant toi, je continuais à te défendre contre vents et marée. Tu as pris une sacrée volée de bois vert avec "Age of the Joker" mais il en fallait bien plus pour venir à bout de mes convictions. J'ai toujours cru en toi.  Oui mais voilà. Maintenant j'en ai marre. Pourquoi ? Voilà pourquoi : [list] [*]2001/2002 : Sortie des premiers albums d'Avantasia, "The Metal Opera I & II". A l'époque tu dis : "Il n'y aura pas de suite au projet, pas de concert, on en reste là". Tristesse mais bon, soit. [*]2008 : Tu reviens sur tes paroles et sort un troisième album, "The Scarecrow", musicalement en rupture avec ses prédécesseurs. Mais tu fais saliver le monde entier en annonçant une tournée. Une seule et unique tournée. En concert tu diras "vous avez bien fait de venir car après cette tournée, Avantasia, C'EST FINI !". A voir ton regard ému, je pense que tu y croyais sincèrement. A ce moment là en tout cas. Et ce concert en Italie était un des plus beaux qu'il m'ait été l'occasion de voir. Je sais que je m'en souviendrai toute ma vie. [*]2010 : Incorrigible que tu es, tu réactives le projet, mais l'as-tu réellement mis en sommeil ? Et cette fois-ci, un double album ! Plein d'idées et "dernière occasion de pouvoir se permettre financièrement de réaliser ça" que tu disais pour tu justifier. Et puis hop, une nouvelle tournée. A t'en croire, ça devait vraiment être la der' des der'. [*]2013 : Sans confetti ou explosion, tu annonces un nouvel album. On ne devrait même plus être surpris en fait. Et bien sûr, une tournée est prévue. Après tout, pourquoi l'annoncer en grandes pompes ? On en est au sixième album et à la troisième tournée, rien que l'on n'ait pas déjà vécu quoi. [/list]  Mais bon, tu vas me dire "Et alors ?". Oui, c'est vrai, rien de répréhensible. Le projet était beau et tu remises tapis à chaque fois. Tant que c'était réussi je t'excusais volontiers. Tu nous valais des sueurs froides mais la fin justifie les moyens et avoir un album réussi restait la meilleure façon de te faire pardonner.

Non, le problème il est avec le petit rejeton. "The Mystery of Time". Il est bien aguicheur pourtant. L'artwork est vraiment sympa, façon "Trans Siberian Orchestra", un petit côté conte de Noël. Enfin bref, j'aime beaucoup. Dix morceaux au compteur, une heure de musique, très bien tu as su te contrôler cette fois. Et puis je lance l'album. Spectres que ça s'appelle ton opener. Bon, il te plaisait tant que ça le riff de "The Wicked Symphony" que tu t'es senti obligé de nous le resservir ? Et puis tout pareil, en intro d'album, ce n'est quand même pas très malin, non ? Tout ça pour nous servir un morceau mou peu inspiré entaché par des harmonies vocales vraiment douteuses. Et en plus tu nous fais l'affront de repiquer des ponts ainsi que ton refrain à "Nightwish" mode "Amaranth", tu cherches vraiment les ennuis !  Et tu nous as même foutu du "Nightwish" plein les tubes dans Black Orchid. Hein, les orchestrations là, tu croyais quand même pas qu'elle allait passer celle-là ? Bon cela dit, il est super bien ce morceau, on sent bien que tu connais les manettes à enclencher, il y a de la puissance, de l'efficacité, un jonglage efficace entre arpèges, piano, riffs de mastodonte et le refrain bien majestueux. Avec Bill Byford pour te répondre et un gros break façon "Perfect Strangers" de "Deep Purple", tu as réussi à mettre les bons ingrédients au bon endroit donc bon, tu vois, quand tu veux tu peux. Et puis, tu n'es pas la moitié d'un incapable, le son de l'album est excellent, la prod parfaite, l'ambiance globale est homogène et confère une âme à l'album, de ce côté là c'est bien plus réussi qu'un "Angel of Babylon" sans aucune cohérence.  Mais alors du coup je comprends pas. Tu montres que tu sais sortir de ton chapeau à grelots de très bonnes idées, tu l'as toujours fait, dans chacun de tes albums on retrouvait des éléments un peu nouveaux et insolites. Et là, rien. Tu déroules ce que tu sais faire. Tu t'étends pendant dix minutes sur Savior in the Clockwork et violant avec allégresse dans le refrain la mélodie vocale de "Devil in the Belfry", un morceau qui avait autrement plus de poigne que tout ce que l'on retrouve dans "The Mystery of Time". Tu te souviens ? "Crestfallen", "Speedhoven", "Rock of Cashel", "Sacrifice", "The Scarecrow", "The Toy Master", "Death is Just a Feeling" et j'en passe...là c'était original, il y avait un cachet ! Alors que là tu nous sert deux ballades sans ambition. Alors, autant What's Left of Me, bon, pourquoi pas, Eric Martin s'en sort bien dessus, mais alors Sleepwalking...pourquoi ? C'est quoi ces arrangements pseudo jazzy ? Pourquoi l'émotion est en papier mâché ? Mince quoi, tu nous as habitué à mieux ! Avoue, c'est "Nightwish" qui t'as mis la pression et du coup tu as voulu tout faire comme eux ? Et dire que tu as choisi ce morceau comme single, adieu la crédibilité quoi. Par contre, là où je continues à croire en toi, c'est que malgré le petit label "A rock epic" sur l'album, tu n'as pas renoncé à nous mettre des morceaux qui cavalent. Et en plus, pour une fois, tu as réussi à foutre Mikael Kiske sans que ça sonne clicheton et forcé. Ton Where Clock Hands Freeze est vraiment chouette, le refrain est rapide mais étonnamment doux et fluide, le duo fonctionne, le batteur abat un sacré boulot, non vraiment, là on y croit. En plus il vient juste après Black Orchid donc ça met dans de bonnes dispositions. Mais franchement, le reste...c'est quoi ça ? Dweller in a Dream, The Watchmaker's Dream ? Bon déjà ça fait deux fois "dream", au piquet et privé de quatre-heures, et puis surtout, arrête de reprendre toutes tes mélodies, tes refrains et tes harmonies vocales d'avant ! On les connait, il n'y a plus de surprise ! Oui, tu as foutu un excellent solo de guitare d'Arjen Lucassen qui en peu de temps vient étaler plein de choses, mais c'est tout. L'illusion ne tient pas.  Tu te la joues gros dur sur Invoke the Machine ? Ouais le riff cartonne et le break à 3:50 épile des mammouths à la cire mais si c'est pour tout nous saloper avec un refrain convenu et des couplets repompés sur "Future World" de "Pretty Maids", c'est pas la peine. Et...ah, on me dit dans l'oreillette que c'est justement Ronnie Atkins de "Pretty Maids" qui pousse la chansonnette avec toi ici, ça alors, quelle coïncidence ! Et puis bon, ranger à chaque fois ce pauvre Bob Catley dans la case "le vieux qui fredonne par dessus les notes de piano", c'est pas gentil. On le voit venir à des kilomètres ! La conclusion The Great Mystery ? On n'y fait même pas gaffe ! Empiler façon patchwork tes précédentes œuvres ça ne fait pas forcément des morceaux géniaux.  Et je terminerai cette lettre avec une grogne supplémentaire. Les chanteurs. Jusque là, tu nous offrait de beaux panels, de la diversité, chaque intervenant était parfaitement reconnaissable, voire singulier. Jorn Lande, Tim Owens, Russel Allen, Alice Cooper, Jon Oliva, Klaus Meine...voilà des bonhommes aux timbres uniques et que tu exploitais bien ! Là, je ne remets pas en cause le talent des intervenants : Bill Byford, Ronnie Atkins, Joe Lynn Turner, Eric Martin, Bob Catley, Mikaek Kiske, Cloudy Yang, ya du sacré niveau mais tu vois où ça blesse ? Ils chantent presque tous de la même façon, tu leur as filé des lignes vocales interchangeables et les a confinés dans des registres beaucoup trop proches. Impossible de les différencier facilement !  Enfin bref, tu l'auras compris, je suis en colère. En colère de voir un tel gâchis. Un album bien emballé, bien brillant mais fade. A force de polir ton œuvre, tu lui a ôté toutes ses aspérités et ses coups de génie. A aucun moment on ne sent de la félicité s'échapper de ce disque. Alors, dis-moi, c'est Nuclear Blast, c'est ça ? Tu sais, tu peux tout me dire. On ne se connait pas mais tu peux tout me dire, c'est le label qui t'as donné un gros chèque pour tu pondes un nouveau disque, fasses une tournée et viennes vendre tes fesses au Hellfest à grands renforts de "Premier concert ever de la life d'Avantasia en France, si tu n'y es pas c'est que tu sens des aisselles !" ? Pourquoi vouloir s'acharner à écorner chaque jour ce qui était à la base un projet unique et sans lendemain ? Je te serai à tout jamais reconnaissant de l'avoir réactivé et de lui avoir donné vie sur scène mais ça devait être une aventure d'un été. Pas plus. Et là, tu es en train de transformer ça en une bête franchise. Une année "Edguy", une année Avantasia, la routine dans la diversité quoi. Non, il n'est pas raté cet album mais quand on vend le label "Avantasia", il faut donner du rêve, de l'exceptionnel, du sensationnel, pas seulement de la viande bien ficelée. "A timeless fairytale", mes genoux ouais. Et dire que tu as déjà prévu d'y donner une suite...   "Gageons que la mise au placard de son opéra metal lui évitera de trop se disperser et d'accoucher de l'album qui rabattra enfin le caquet à tout le monde. On y croit."  C'est avec ces mots que je concluais un article sur "Age of the Joker", dernier album d'"Edguy", à une époque où en théorie "Avantasia c'était fini" et qu'enfin, tu pouvais te consacrer à redorer le blason de ton premier groupe. Faut croire que je me suis planté et que j'ai été trop naïf de m'imaginer que tu saurais faire passer ton intégrité artistique avant tout.  Donc c'est fini, je t'ai donné plusieurs fois ta chance, c'était la dernière. Je n'ai cessé de prêcher la bonne parole mais là c'est un coup de couteau dans le dos que tu me fais. Ne me cherche pas du regard au Hellfest, je n'y serai pas et je ne le regrette pas. Je préfère même ne pas y aller de peur de céder à la tentation d'aller te voir jouer et ainsi de souiller l'unique et merveilleux souvenir que j'ai de toi et ta troupe, cette magnifique journée où j'avais pu voir à la suite "Vision Divine" avec Fabio Lione de retour, "Epica", "Helloween" et enfin Avantasia (ainsi que "Mägo de Oz" le lendemain au même endroit). Matos, Catley, Sommerville, Lande, Hartmann, Paeth et cie, et puis toi.  Je ne t'oublierai pas non, c'est impossible. Mais ne viens plus frapper à la porte car cette fois, je n'ouvrirai pas."

(crédits : [list] [*]photos de Tobias Sammet : The Inner Circle[*]montages de mauvais goût : Spade) [/list]

0 Comments 12 mars 2013
Whysy

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