Vous recherchez quelque chose ?

Un des trucs que j'aime le plus dans mon activité de fan hardcore de musique en tous genres, c'est bien la surprise complètement inattendue. L'album qui te tombe dessus alors que tu y allais en touriste, pour voir, légèrement attiré par la chronique d'un magazine spécialisé ou d'après un bruit entendu sur le web.

Là, en l'occurrence, c'est un mail de notre chef bien-aimé, signalant à la team l'arrivée d'une nouvelle promo, au nom totalement inconnu, et qui sentait à plein nez le power-sympho prog à deux balles que j'exècre : s'il y a bien une affiliation qui a tendance à me faire fuir, c'est celle des termes « opéra » et « metal ».

Mais bon, vous me connaissez, l'idée d'être ignorant et de me retrouver forcé à me pointer devant St-Pierre le jour venu me faisant atrocement flipper, j'ai fait comme d'habitude, et je me suis lancé dans l'écoute de Docker's Guild, prêt à supprimer le mp3 au bout des trente premières secondes du premier morceau. Vous vous en doutez, puisque vous êtes là à me lire c'est qu'il n'en a rien été.

Docker's Guild est donc le projet de Douglas D. Docker, claviériste talentueux, et ce projet fonctionne un peu dans le style Ayreon/Lucassen : un compositeur/instrumentiste/producteur, connu dans le milieu mais qui n'a jamais vraiment percé du point de vue commercial, réalise un album en y invitant une pléiade de stars, parmi lesquels John Payne (Asia) et Goran Edman (Karmakanic, Yngwie Malmsteem), et plein d'autres moins connus mais tout aussi excellents et côtés dans le milieu.

Cette joyeuse bande aurait pu tomber dans l'Avantasia chiant, ou dans le Trans-Siberian Orchestra surjoué, mais heureusement loin de là ! Il s'agit tout simplement d'un excellent mélange heavy-AOR-prog, d'un qualité rare dans ce domaine, avec, je vous l'accorde, deux morceaux qui évoquent Lucassen, mais ça s'arrête là. Payne et Edman se partagent le chant, aux côtés de Douglas Docker et de Tony Mills. Enfin, au chapitre des thèmes abordés, l'album est un violent réquisitoire contre le dogmatisme et la toute-puissance des institutions religieuses, ce qui ne pouvait que me plaire (« You think you're livin' on a planet of freedom »).

Mais l'essentiel n'est pas là. Même s'il n'est pas parfait, The Mystic Technocracy est un merveilleux hommage à ce son que j'aime tant, à ces ambiances alambiquées, mais aussi à des mélodies plus accrocheuses et directes. Parfois, ces deux veines se rejoignent en un filon magistral, comme c'est le cas sur le morceau-titre. Un couplet enlevé, sur une rythmique heavy qui aurait joliment figuré sur un album de Space One, soutenu par un Hammond furieux, et suivi d'un enchaînement mélodique exceptionnel. Sur le deuxième refrain par exemple, pour les connaisseurs, quatre accords se succèdent : la bémol majeur, sol mineur, si bémol majeur, et fa mineur. Dans un style heavy traditionnel, ce dernier accord de fa aurait été majeur, rendant le morceau plus agressif et solennel, sans véritablement changer les mélodies chantées, et c'est d'ailleurs le cas du premier refrain. C'est ce genre de petit détail en apparence insignifiant, qui fait reconnaître aux amateurs la veine prog, en plus, évidemment, des nombreuses nappes de clavier dont cet album est truffé.

Ainsi, on va souvent se retrouver nageant en pleine ambiance rétro/néo-prog, parfois même assez loin des tonalités heavy moderne de ce genre de style. Dans Darwin's Tears, après un couplet pour le coup très largement inspiré des œuvres de notre bon Arjen (jeu de mots), on se retrouve brutalement balancé au début des années 80, au moment où Genesis faisait loi, et où les techniques de composition assez particulières de Tony Banks cassaient la baraque au hit-parade. On trouve aussi sur cet album des morceaux plus tubesques, comme par exemple le miraculeux Loving The Alien, qui aurait fait un carton monumental en 1983. Mais aussi, il le fallait, des tentatives de développements conceptualisés, comme à la grande époque. Deux essais vont dans ce sens : un premier, un peu raté, est consacré aux cosmogonies religieuses, et marque de ce fait une légère baisse de tension qualitative en plein milieu de l'album, baisse de tension relative puisque par exemple le speed Norse Cosmogony (Part 2) est des plus rafraîchissants. C'est sur la deuxième pièce plus complexe, The Secret Of DNA, que le groupe exploite à mon sens ses qualités les plus intéressantes. On y assiste à un enchaînement de structures assez phénoménales, aux sonorités particulièrement réussies, qui fleure bon les années 80, encore une fois.

Alors bien sûr, vous l'aurez remarqué, cet album ne se démarque pas par un modernisme et un sens de l'avant-garde à faire frémir Steve Reich, bien au contraire. Mais pourtant, quelle qualité, quel sens de la mélodie, et quels morceaux ! Sur la quinzaine que compte The Mystic Technocracy, un bon tiers se compose de compositions intéressantes et agréables, parfois sans plus. On retrouve dans un deuxième tiers une poignées de morceaux excellents, bien construits et superbement interprétés. Et enfin, le dernier tiers est constitué de pépites merveilleuses, à l'image des fantastiques The Mystic Technocracy, Darwin's Tears ou Loving The Alien. C'est ce genre d'étoiles qui envoie Docker's Guild très haut dans le firmament du prog, et cette première saison particulièrement réussie, en plaçant la barre très loin, nous fait espérer le meilleur pour la suite ! Il ne restera plus qu'à gommer les légères imperfections inévitables dans un album de 80 minutes pour atteindre le Graal et mériter un 10 sur Heavylaw. N'est-ce pas leur objectif à tous ?

0 Comments 13 juin 2012
Whysy

Whysy

Read more posts by this author.

 
Comments powered by Disqus