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C’est dans le cadre de la sortie de leur dernier album The Water Fields que The Old Dead Tree a bien voulu nous recevoir pour une interview sur Paris. Manuel Munoz (compositeur, chanteur et guitariste) et Gilles Moinet (compositeur et guitariste)  reviennent sur le parcours du groupe et nous parle de la confection de leur dernier bijou. Ils abordent également leur vision de la scène métal française ainsi que leur tournée à venir :




-Messieurs, tout d’abord merci de nous recevoir pour cette interview !

-Manuel (guitariste et chanteur) : Merci à toi pour ton intérêt


-Pourriez-vous nous récapituler l’historique du groupe ?

-On s’est formé il y a bien longtemps (rire) à Paris. A la base nos influences étaient les groupes gothiques métal anglais même si à l’époque on disait doom gothique. C’était donc Paradise Lost, Anathema, My Dying Bride. Même si par la suite on a essayé d’élargir notre base d’influences, ces trois groupes sont restés une base chez nous. Au niveau du groupe, c’était donc le quatuor classique, une batterie, une basse, un chanteur et un guitariste. Nous avons enregistré notre tout premier album qui était un 4 titres en 1999. Peu de temps après sa sortie, notre batteur Frédéric Guillemot s’est suicidé, ce qui fut un coup très dur pour le groupe car il y a chez nous une profonde amitié qui lie les membres, donc tout ça fut très dur à gérer. Puis nous avons signé avec Season of Mist en 2002, et notre premier album The Nameless Disease est sorti en 2003. c’est un concept album qui traite de la manière dont j’ai réussi, échoué…. Du moins la manière dont j’ai vécu ce suicide et comment j’ai géré tout ce qu’il y avait autour. Il y a donc de la colère, de la tristesse, des questionnements, de la colère à l’encontre de moi-même également. Quand un proche se suicide, il y a toujours des multitudes de questions « qu’est-ce que j’aurai dû voir », « quels signes je n’ai pas vus », etc. Ce premier album a reçu de très bonnes critiques en France et c’est vers cette époque que le groupe a passé un cap, notamment grâce à Season of Mist qui nous a permis une distribution internationale.



En 2005, nous avons enregistré notre deuxième album The perpetual Motion, et cette époque fût aussi un nouveau cap en termes de concerts, qui ont beaucoup augmenté. Nous avons participé à des festivals beaucoup plus importants comme le Metalmania en Pologne, le Summerbreeze en Hollande, ou le FuryFest en France. Nous avons donc commencé à beaucoup tourner, notamment avec Epica avec qui nous avons fait une tournée européenne. C’est avec cet album-là que l’on a eu de très bonnes chroniques à l’étranger, comme en Hollande où nous avons été Album du Mois dans certains magasines. Et puis voilà nous venons de sortir notre troisième album, The Water Fields, avec un nouveau guitariste Gilles, qui nous a rejoints en 2006. Pour l’instant, les retours de l’album sont très bons et nous en sommes pleinement satisfaits.




-D’accord. Pourquoi avoir privilégié le chant plus crié sur cet album ?

-C’est venu naturellement, il n’y a pas d’histoire de quota là-dessus. Tous les morceaux suivent le même trajet de composition : c’est-à-dire un travail binôme en termes de guitare. Puis une fois que la masse de la composition est prête, elle est proposée au bassiste et au batteur qui forgent leurs parties indépendamment. C’est seulement à la fin que je travaille le chant, seul. Et c’est vrai que du coup je cherche le chant qui pourrait le mieux coller, soit par rapport aux paroles, à la mélodie, ou à la musique. Et il s’est avéré que c’est le chant death qui est venu naturellement. Je pense que c’est à ce jour notre album le plus métal, le plus dark, et je pense que cela va bien dans la logique de la musique.


-D’où vous est venu le nom de l’album The Water Fields ?

-C’est notre troisième album et aussi troisième « concept » album. Je m’étais beaucoup concentré sur mes propres sentiments pour le premier album et sur la manière dont j’interprétais les choses autour de moi. Je me suis rendu compte qu’écrire sur la manière dont je voyais les choses permettait de mieux les comprendre, de prendre plus de recul. J’avais donc utilisé cette manière-là sur les deux premiers albums comme une sorte d’exorcisme.
Pour ce troisième album, j’ai voulu changer car je me suis rendu compte que les gens lisaient les paroles dans le booklet (rire). C’est une habitude que je n’ai pas trop, je n’ai jamais trop regardé les booklets des albums. Et donc rencontrer des gens ou des fans que je ne connaissais pas, mais qui connaissaient beaucoup de choses sur mes pensées et mon intimité fut un peu dérangeant et bizarre. J’ai donc pris du recul pour cet album et je parle plus de mon entourage, mes proches, etc. j’ai essayé de voir un peu comment on réagissait face à l’adversité. Cet album est une réaction face aux problèmes, et cette réaction est souvent une fuite, un déni, une volonté de se cacher ou d’éviter la douleur, plutôt que de l’affronter et d'essayer de la régler. Je vais prendre un exemple un peu bête, mais quand tu te brûles la main avec une bougie, le réflexe n’est pas de souffler sur la bougie mais d’enlever la main. On essaye toujours d’abord de s’extraire de la douleur avant de voir le problème. Alors il y a des gens qui fuient toute leur vie malheureusement, mais la fuite est quelque chose de naturel et pas forcément négatif si elle reste limitée dans le temps.
Donc The water fields c’est un peu l’endroit à l’intérieur de soi que l’on a tous où l’on va se réfugier pour essayer d’oublier la douleur.



-Ce dernier album est en quelque sorte plus violent. Qu’est-ce qui vous a amené à cela par rapport au thème comme tu l’as dit tout à l’heure, aux textes qui auraient pu vous amener à une musique plus agressive ?

-Non non, les textes sont venus bien après. Il s’est avéré que c’était un peu le chaos pendant la période de composition (rire) parce qu’il a fallu que l’on gère le départ de Nicolas, le guitariste qui était dans le groupe depuis le début et qui était co-compositeur mais aussi un ami très proche, donc c’était difficile. Il a fallu intégrer Gilles qui venait d’arriver, bâtir cette relation de confiance et d’amitié, mais aussi de confiance musicale : on a pris Gilles parce qu’on voulait un compositeur, et il avait ses propres méthodes qu’il a fallu confronter aux nôtres pour trouver un terrain d’entente. A côté de ça, il a fallu que l’on gère des naissances tous les deux, car on a chacun eu un deuxième enfant ; et enfin il a fallu qu’on change de management. Tout ça a fait qu’il y avait beaucoup de choses à gérer et donc on retrouve une tension qui se ressent dans l’album. C’est un album qui est beaucoup plus homogène que les prédécesseurs parce que effectivement cette tension est constante. Et effectivement c’est dû à cela que l’album est plus dark et métal que ce que l’on a fait auparavant.


-C’est intéressant. Est-ce que parmi les musiciens certains ont des projets parallèles ?

-Gilles (le guitariste) : Dans le groupe on est deux à avoir des projets parallèles. Personnellement je suis guitariste dans un groupe gothique doom nommé Lux Incerta qui existe depuis 7 ans. A la base mon statut fixe est dans The Old Dead Tree, mais entre le bassiste/chanteur qui est aussi dans Penumbra et le batteur dans The Last Embrace… Déjà qu’à la base c’était difficile de tout gérer, c’est donc encore plus difficile depuis que je suis dans The Old Dead Tree. Cela devient vraiment difficile, d’autant plus que c’est un groupe qui me tient à cœur. On continue à bosser dessus, notamment sur des compos pour un futur album en chantier, etc. C’est devenu un projet parallèle que l’on garde pour le plaisir, même si on aimerait le voir évoluer, mais cela prendra le temps qu’il faudra…
Il y a aussi notre batteur Foued qui joue dans un groupe oriental death métal nommé Arkan.
Manuel : c’est vrai qu’il est beaucoup plus pris avec Arkan, je ne sais pas comment il arrive à gérer les deux. Déjà que The Old Dead Tree me prend beaucoup de temps (rire). Surtout qu’Arkan est un groupe assez actif qui va bientôt sortir un album, c’est d’ailleurs pour cela qu’il n’est pas là aujourd’hui, il est en train de le préparer. Il a vraiment deux groupes qu’il essaye de mener de front donc je lui dis chapeau pour le moment parce qu’il y arrive !



-Gille, qu’est-ce que l’intégration dans un nouveau groupe déjà bien intégré dans la scène française comme The Old Dead Tree suscite par rapport au fait de reprendre le flambeau, devoir apprendre ce répertoire déjà bien présent dans le groupe ?

-Disons qu’à l’origine je connaissais le groupe depuis pas mal de temps, depuis le début quasiment, et j’aimais beaucoup tout ce qui a été fait. C’est vrai que rentrer dans un groupe déjà bien établi est une chance, cela fait gagner du temps (rire). C’est encore mieux quand c’est un groupe que l’on apprécie déjà beaucoup, et puis reprendre le répertoire, faire des concerts et passer par le studio… tout ça dans des conditions professionnelles font que c’est quand même particulier. C’est une autre dimension à tout point de vue puisqu’il y a aussi l’investissement humain qui va avec, c’est tout un ensemble. Il y a tous les bons côtés, mais aussi les plus durs, donc c’est une très bonne expérience. Ensuite reprendre le flambeau de Nicolas, c’est vrai qu’il y avait la question des compositions, comment cela va se passer, car ce n’est pas évident de savoir comment travaille chacun. Manuel avait ses méthodes, moi les miennes, donc on s’est réadapté… et les choses ont très bien fonctionné! Donc c’est vraiment très bien de pouvoir vivre une expérience comme celle-là.


-Ok. Maintenant que pensez-vous de la scène française à l’heure actuelle ?

-Manuel : Elle a beaucoup changé, et en bien. Il y a un vrai professionnalisme des groupes et il y a de moins en moins de groupes qui montent sur scène avec la « simple » idée de se faire plaisir. Il y a une réelle volonté « d’excellence ». Il y a un niveau qui a été placé très haut par les patrons comme Gojira qui domine la scène et qui selon moi le mérite, c’est un de mes groupes préférés (rire). Il y a d’autres groupes comme Dagoba, Anorexia Nervosa qui malheureusement s’est éteint, il y a Scarve également qui fait de très bonnes choses, même s’ils ont plus de difficulté. Il y a des choses qui montent, qui bougent, et on le voit notamment par la vision qu’ont les étrangers des groupes français. On a été l’un des premiers groupes français à aller jouer à l’étranger depuis longtemps, parce qu’entre la période Loudblast, Massacra, No Return et Supuration et l’arrivée de nouveaux groupes, il y a eu un gros trou pendant cinq ou six ans où la France s’est complètement faite oublier, voire même dénigrer à l’étranger. Je vois par exemple dans les premières chroniques que l’on a eues pour le premier album, notamment en Allemagne, au Brésil, Aux Etats-Unis, où ils disaient un peu « c’est pas possible ce groupe ne peut pas venir de France ! » (rire). Donc c’est assez effrayant de dire que l’on partait avec un handicap.  Et donc aujourd’hui les choses commencent à changer…. Dagoba a fait la première partie d’In Flames sur toute la tournée européenne, ils ont gagné leurs galons là-bas, ils commencent à faire tourner leur nom. Gojira sont aux Etats-Unis à l’heure où l’on parle également.




-En parlant de groupes français, est-ce qu’il y a un groupe en particulier que vous aimeriez particulièrement promouvoir ?

-Il y en a beaucoup ! Je parlais d’Eyeless ou H-Tray même s’ils ont des styles différents du nôtre. Ça bouge vraiment bien, un groupe comme Leiden qui a un style beaucoup plus proche de nous également. Comme je te l’ai dit, maintenant ça fourmille. J’ai l’impression que la nouvelle génération a réussi à reprendre là où cela s’était arrêté. Des groupes comme Gojira ou nous qui avons à peu près le même âge ont un peu défraîchi le terrain, et les nouveaux ne repartent pas à zéro, mais là où l'on s’est arrêté, même si ce n’est pas fini heureusement ! Cela va plus vite pour eux et c’est super. Je parle en tant que maturité musicale. Je suis très confiant quant à la scène française et j’espère que cela va bouger. Malheureusement cela arrive un peu tard, là où la musique se casse un peu la gueule en terme de vente, donc c’est beaucoup plus difficile de signer maintenant. Il y a donc beaucoup de groupes à soutenir.

-Vous vous êtes d’abord fait connaître en France puis à l’étranger, que projetez-vous vis à vis de tout ça ?

-Je crois que sur les 23 dates à venir, il y en a 6 ou 7 en France et donc le reste à l’étranger. C’est vrai qu’on a la chance d’avoir une très bonne couverture internationale de par les retours que l’on a eu grâce aux albums, et aux tournées que l’on a déjà faites là-bas, comme des festivals. On a tourné avec Epica qui nous a offert la Hollande, du coup on a déjà une bonne fanbase là-bas. Cela commence à devenir sérieux en Allemagne également. Je ne me pose pas trop de questions tant que je joue et que la ville est jolie. C’est vrai que si un jour on peut tourner dans des pays exotiques comme l’Australie par exemple… ou le Japon, cela pourrait être sympa ! Mais pour l’instant on est très bien accueilli en Europe, on a beaucoup d’opportunité un peu partout. Plus ça va, et plus nous avons des propositions donc je touche du bois !! On vit un rêve éveillé et c’est le but.


-D’accord. Et est-ce que votre musique prend du temps sur votre vie privée plus que vous ne le souhaiteriez ?

-Ah c’est pas facile à gérer. Avoir une vie de famille solide et gérer un groupe comme ça qui même en terme de composition nécessite énormément d’engagement. Tout est fait en détail, il n’y a pas beaucoup de spontanéité, c’est très cérébral. C’est dur, c’est pas marrant tous les jours, mais Gille et moi avons arrêté de dormir pour voir nos familles tout en continuant à bosser pour le groupe. Pour l’instant ça marche, nos femmes sont toujours là, nos enfants aussi. Ils nous appellent « papa » et pas « monsieur » donc c’est plutôt bon (rire)! Ce n’est pas évident mais ça tient le coup ! Mais tu as raison de soulever le problème parce que Nicolas est parti à cause de ça, sa femme était enceinte et lui pensait ne pas pouvoir gérer.


-Que présagez-vous pour l’avenir du groupe ?

-Déjà je pense que d’ici deux ou trois ans on devrait être les maîtres du monde ! (rire) En théorie, si tout se passe comme prévu !! J
Moi j’espère faire une tournée européenne en 2008, c’est dans les plans, on va voir comment cela se passe. Et puis il vaut mieux ne pas faire trop de plans car on est déçu après ! Il faut se rendre compte qu’il n’y a qu’un concert sur quatre qui se réalise environ. Donc j’espère qu’on va réussir à tourner, à conquérir d’autres pays, de nouveaux fans, et continuer à faire la musique qui nous plait ! Je ne vais pas dire qui plait en général parce que je ne suis pas bien placé pour en parler, mais en tout cas nous ça nous plait et c’est déjà pas mal !


-Un dvd live de prévu ?

-On nous a posé la question car c’est vrai que l’on arrive à notre troisième album, donc on peut commencer à se poser la question. Je n’ai jamais été un grand fan de live à titre personnel, mais on verra ce que dit la maison de disque si elle nous le propose. Si on le fait, il faut le faire bien avec de bonnes conditions, on verra ! On pense déjà à tout ce qu’il y a à faire jusqu’à la fin de l’année et on verra après !


-Un petit mot pour nos lecteurs d’Heavylaw ?

-Cela nous a pris beaucoup de temps pour faire cet album, on a eu beaucoup de mal  à le concrétiser… Il est fouillé au possible, il y a plein de détails, il est riche. On en est vraiment très content et j’espère que vous en serez contents aussi, voilà ! Donc rendez-vous sur les routes !


Propos recueillis par Tiamat et retranscrits par Siraxta.

0 Comments 12 septembre 2007
Whysy

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