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Un ciel ombrageux se reflète dans une mer d’huile, deux voiliers sont aspirés par une ligne d’horizon aussi énigmatique qu’ insaisissable tandis qu’une silhouette impuissante observe pensivement la scène. Bienvenue, amis lecteurs, dans le monde d’ It Bites où contemplation et poésie se marient sans heurts dans un rock progressif éclairé et bien écrit. La cultissime formation américaine des années 1980 nous revient en effet cette année avec son nouvel album The Tall ships après une très, très longue absence.

Et que l’attente fut longue!! En effet, plus qu’un retour, c’est une véritable reformation auquel nous assistons car le groupe disparu en 1991 après trois albums reconnus (surtout le premier de 1986, The Big Land à la pochette très réussie) s’est reconstitué sous l’impulsion de son fondateur, le géniallissime John Beck qui s’est adjoint les services d’un des plus talentueux guitaristes du milieu progressif, John Mitchell. Ce binôme a déjà fonctionné au sein d’un groupe largement trop méconnu et sous-estimé, Kino qui a sorti il y a deux ans un album remarquable. C’est donc après une attente prolongée par la réalisation de ce projet et la sortie de deux albums live (Live in Montreux de 2003 mais reprenant un enregistrement de 1987 et le When the light go down de 2007) que les amateurs de Rock progressif éclairé dans le sillage de Yes vont pouvoir prendre connaissance de la dernière œuvre d’un It Bites remodelé.

Car cet opus est profondément magnifique et avec de tels géniteurs, il aurait été tout simplement irrationnel qu’il en soit autrement. John Mitchell nous emmène littéralement dans les contrées poétiques qu’il affectionne. Pas de violence, d’outrecuidance technique de maestro du manche, ou d’effet de style se dégage de son jeu si particulier. Ses doigts magiques ont juste (enfin juste, le mot est-il approprié ??) cette faculté unique selon votre humble serviteur à créer des univers oniriques et évanescents où la mélancolie n’est jamais oppressante mais enveloppe l’auditeur dans des plongées intérieures et introspectives. L’écoute de The Tall Ships s’apparente ainsi à un agréable voyage où divagations nostalgiques (Oh my God , Playground), ambiances passéistes et évanescentes (The Tall ships, For safekeeping) installent une musique céleste et lumineuse, qui s’emballe un peu (Ghosts) mais sans jamais bruquer.

Les effets du chant (voix en canon, voix reposante de Mitchell, importance de chœurs discrets mais indispensables, voix déformée sur Memory of water) sont une pièce essentielle de ce puzzle incandescent. Toutes les ficelles du chant progressif sont reprises avec simplicité et naturel (on pense à Andromeda pour le foisonnement des variations alors que la voix n’est pas originale ni puissante , simplement belle et apaisée (à l’image de E, chanteur du groupe rock Eels). Les interventions précieuses de John Beck au clavier (ce solo incroyable sur The Wind Tha shakes the barley) relaient ou accompagnent avec justesse les mélodies oniriques de John Mitchell, qu’elles soient acoustiques (souvent) ou électriques. Ce pianiste incroyable développe une large gamme de sonorités hypnotiques et impalpables qui ne sont pas sans rappeler, dans certains passages, les réalisations des Flower Kings ou de Spock's Beard. Discrètes tout en étant omniprésentes, les sonorités composées par John Beck sur cet opus renouvellent avec bonheur l’expérience de Kino et nom d’un petit pois qui fait du yoga avec Karen Cheryl, que c’est apaisant de retrouver ce monsieur dans une nouvelle aventure musicale.

Cette musique imagée et personnelle donne toute sa mesure dans Lights et l’ultime piste, This is England. Suggestives et imparables, à fleur de peau tout en s’endiablant un peu (de manière très progressive pour This is England) elles terminent l'album en apothéose ce disque aux confins du métal dont les mélodies pourront rebuter les auditeurs les plus attachés aux tempi galopants.

The Tall Ships est ainsi une magnifique plongée contemplative et aérienne dans le rock progressif. Animé par les génialissimes John Mitchell et John Beck, cet album est doux, classieux et finalement profondément humain.

0 Comments 16 novembre 2008
Whysy

Whysy

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