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Aux échos de la Belle, qui languit après sa liberté perdue, répond la sourde colère de la Bête, qui la retient prisonnière dans son sombre château. De sa voix forte, pure et claire, la Belle chante, arpente l’angoissante demeure, abandonne une larme, laisse flotter derrière elle de doux effluves de romantisme et de mélancolie. La Bête, quant à elle, contient le flot bouillonnant d’émotions qui la submerge… Le désir se mêle à la colère, son sentiment de déshumanisation le fait hurler de rage… Compréhensive, la Belle accepte parfois de partager son chagrin, ne serait-ce qu’un instant…

…Et alors, leurs sanglots s’unissent.


Vous l’aurez compris, ce nouvel album des suédois de Draconian joue sur cette formule maintes fois éprouvée, mais toujours séduisante, de l’alternance entre un chant death profond et virulent, et une voix féminine mélodieuse et délicate (d’ailleurs plus présente que jamais auparavant, ce qui n’est pas pour me déplaire). Ces voix qui s’affrontent, se répondent, dialoguent, apportent un charme non négligeable à cet album, où chaque intervention des vocalistes émerveille par sa justesse et son à propos. Et lorsqu’ Anders et Lisa chantent ensemble… puissance et beauté se mélangent avec force et grâce, et l’on atteint alors de purs moments de bonheur auditif.

Après deux excellents albums, et un semi échec avec un EP moins convaincant, Draconian effectue son retour, plus mature et puissant que jamais. « Turning season within » (accompagné d’un très bel artwork, soit dit en passant) est vraiment l’album de l’équilibre. Equilibre entre les parties de chants, équilibre qualitatif, sur chacune des neuf compositions, équilibre entre les rythmiques et les solos… Rien n’est à jeter sur ce nouvel opus qui présente à l’évidence un groupe au sommet de son art.

Tous les ingrédients qui ont fait la magie de Draconian par le passé se voient ici merveilleusement réutilisés. L’album est même plus direct et accessible que ses prédécesseurs, notamment grâce à la présence sur presque chaque morceau, de refrains accrocheurs et mémorisables. Et si l’on dénote toujours l’influence de groupes comme Opeth (rythmiques et passages acoustiques d’ « Earthbound ») ou My dying bride, la personnalité du groupe resplendit à chaque note de l’opus.

Alternant titres plus doom dans la grande tradition du combo (« Not breathing » et surtout la sublime « Morphine cloud », à l’évidence l’un des plus beaux titres de l’opus), avec des pièces plus proches d’un death gothique classieux (la parfaite ouverture « Seasons apart », représentative du contenu et de l’humeur de l’album), Draconian s’offre le luxe de ne jamais lasser l’auditeur, en proposant toujours le solo qui fait mouche, la mélodie de chant qui accroche, la rythmique qui saura nous émouvoir…

Justement, l’un des plus importants points forts de l’opus est sans aucun doute la perfection des soli : des passages conclusifs ahurissants de maîtrise et de majesté de « When I wake » et « Morphine cloud » en passant par les torrents d’émotion d’une fluidité déconcertante que constituent ceux de « Bloodflower » et « The failure epiphany », chacune de ces mélodies apporte un très gros plus émotionnel, et laisse une forte et durable impression à l’auditeur. De manière générale, le son s’avère proche des deux premiers opus, peut-être un poil plus incisif, mais toujours très profond, à la fois clair et lourd, parfaitement adapté aux compositions.

Tout cela paraît bien sûr parfait, mais justement : le seul reproche que l’on pourrait faire à Draconian pour cet album (excepté la durée de la dernière piste, conclusion mélancolique et très délicate, que l’on aurait vraiment appréciée plus longue !) est de n’avoir su créer de point culminant à un album dont le côté très « chargé », aussi bien musicalement qu’émotionnellement, peut finir par lasser après un certain nombres d’écoutes… Pas de grosse pièce bouleversante de 15 minutes à la « Death, come near me », ou « The cry of silence »… Et c’est peut-être regrettable.


En bref, vous l’aurez compris, ce nouvel opus de Draconian s’avère une réussite quasi-parfaite. Le doom-death gothique et mélodique du groupe s’avère toujours aussi touchant. Et si l’originalité n’est pas de mise, « Turning season within » respire le talent à chaque instant. On pardonnera donc les rares longueurs et l’absence de titre vraiment au dessus des autres (quoique, « Seasons apart » ou « Morphine cloud »…), pour se concentrer sur les nombreuses qualités de ce beau recueil de mélancolie, à l’évidence l’un des albums majeurs de cette belle année 2008.

Note réelle : 8,5/10


Gounouman

0 Comments 03 mars 2008
Whysy

Whysy

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