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Serait-il possible de cartographier, de vulgariser de manière graphique l’incroyable diversité des styles atteinte par la grande famille du métal moderne? La généalogie du métal est possible, mais tend dangereusement vers loi mathématique des limites : Plus on décortique, plus on découvre de sous-genre. De toute manière, est-ce que la catégorisation de la musique est nécessaire? La musique est un art, vous me direz. Nul besoin de la décortiquer, il n’est nécessaire que de la vivre! Sachez que je ne peux qu’approuver. Vous pourrez aussi me reprocher d’écrire des introductions interminables à mes chroniques. Ahem, bref, on en vient au point…

L’idée que je tentais de développer est la suivante : le Folk métal, en tant que sous-genre, se ramifie : Pagan, Polka, viking, Celtique. Sachez que j’affectionne particulièrement le mélange métal\musique traditionnelle celtique, étant moi-même un amateur de musique Irlandaise et musicien à mes heures. Elvenking avait été en quelque sorte la révélation lors de la sortie de leur second album Wyrd, en 2004. Les Italiens récidivaient avec The Winter Wake, en 2006. Malheureusement, le groupe se tourne en 2007 vers des thèmes plus obscurs avec The Scythe. L’album marque un changement des thèmes associés au nom du groupe : La nature, les peuplades sylvaines, le rêve, le mysticisme, vers un concept plus heavy : Le trépas, le passage vers un autre monde, le tout accompagné d’un son beaucoup plus métal conventionnel délaissant les mélodies traditionnelles. Était-ce un exercice destiné à se rapprocher de la grande scène métal ? L’album ravit beaucoup de nouveaux fans, mais déçoit beaucoup ceux du tout début, moi y compris. Dans le monde de la musique, la déception liée au changement d’orientation d’un groupe est chose courante. Or, rares sont les cas où le groupe propose un retour aux sources sous forme d’album « Hors-série ». Vous imaginez donc ma joie lors de l’annonce d’un album acoustique signé Elvenking, promesse d’un retour vers le son de Wyrd, que je regrettais tant! Mais assez parlé de moi, discutons de l’album, voulez-vous?

Rares sont les exemples d’opus acoustiques notables dans le monde de la musique heavy. Évidemment, le terme « acoustique » rime mal avec métal, dont la marque de commerce est l’utilisation de distorsions lourdes sur les guitares. Est-il possible de réaliser un album de métal sans distorsion? Two Tragedy Poets (And a Caravan of Weird Figures) est bel et bien un album de métal. En fait, la seule différence notoire est l’utilisation de guitares acoustiques pour la plupart des rythmes. La construction des pièces, la batterie, le chant, tout confirme bien que l’on n’a pas affaire à un ovni musical. On utilise même des guitares distortionnées pour les mélodies et les solos. L’aventure acoustique est donc limitée, et l’album perdrait de son intérêt si on n’avait pas poussé les instruments traditionnels plus à l’avant. Le violon mène la mélodie avec une présence jamais vue depuis l’excellent Wyrd, parfois dans une dualité avec la guitare mélodique (électrique!). Les Italiens, bien qu’ayant peu de liens de parenté avec les anciennes peuplades celtiques, introduisent aussi plusieurs instruments traditionnels : Cornemuses Irlandaises (Uileann pipes), mandolines, flûtes (Tin Whistle). Le violon introduit même fréquemment des structures musicales typiquement celtiques : Reel, Jigs, notamment sur le break instrumental suivant le second refrain de Another Awful Hobs Tale, qui est d’ailleurs suivi par un solo de guitare électrique qui souligne très bien la dualité métal/traditionnel de l’album. Je dois aussi mentionner la mélodie faisant le pont entre le refrain et le couplet de Ask a Silly Question. Les amateurs de musique traditionnelle la reconnaîtront!

Les mélodies sont très bien partagées et le tempo varié, on oscille entre pièces rapides (Not my Final Song, Another Awful Hobs Tale) et breaks plus tranquilles, dont la très mélancolique My Own Spider’s Web, qui est aussi la pièce où les instruments folk se démarquent le mieux. La pièce The Blackest of my Hearts est aussi digne de mention grâce à l’omniprésence d’une batterie rappelant des sonorités tribales. Les guitares sèches, instruments traditionnels, chants et piano se partagent bien le temps d’écoute. Le chant de Damnagoras est d’ailleurs assez versatile et s’affranchit bien de l’accent Italien typique à beaucoup de groupes. Certaines lignes de chant font même penser au style particulier d’Eilera, je pense à la pièce Miss Conception.

Étant un album « spécial », le groupe s’est permis d’y inclure 3 reprises. J’avoue avoir eu une certaine appréhension, les reprises acoustiques étant souvent des fac-similés de leurs versions originales. The Winter Wake et The Wanderer sont tirées du troisième album The Winter Wake et je dois avouer qu’elles sont, contre toute attente, assez réussies. Les versions acoustiques sont assez différentes des versions originales, à tel point que bien qu’il fait plaisir de les reconnaître à la première écoute, les modifications apportées les transforment en quelques sortes en de nouvelles pièces dont l’écoute ne devient pas lassante. L’album peut donc s’écouter et se réécouter plusieurs fois sans les sauter, même pour ceux comme moi qui ont tourné les versions originales des dizaines de fois dans leurs écouteurs. La troisième pièce reprise, Heaven is a Place on Earth, sera considérée comme le maillon faible de l’album, bien que parfaitement supportable, en raison de la sonorité un peu disco de la pièce originale. La production aussi est différente, moins léchée, et accentue le retour aux sources. Cette particularité pourra être perçue comme un point négatif, mais elle n’entrave en aucun cas l’appréciation de l’album.

Two Tragedy Poets (And a Caravan of Weird Figures) s’inscrit donc comme membre à part entière de la discographie de plus en plus hétérogène du groupe, là où un simple album de reprises acoustiques ou un live aurait échoué. Il n'est donc à mon sens plus justifié de parler de « Hors-Série » ou d’aventure musicale sans lendemain. Elvenking nous fait cadeau d’un savant mélange d’hymnes festives et de mélodies réfléchies, dans un son bien à eux. Le tout sera aussi, pour certains, plus facile à digérer que leurs cousins d’Eluveitie, autre fier représentant du métal celtique officiant dans un registre plus extrême. Un 9/10 bien mérité!


Felixbm

Un merci spécial à 1,984 qui m'a laissé écrire cette chro à sa place !

0 Comments 15 décembre 2008
Whysy

Whysy

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