Habituellement, il est bien rare d’entendre du métal progressif cohabiter avec du métal atmosphérique, les deux étant assez éloignés et peu enclins à se rencontrer. C’est pourtant le pari tenté par un groupe néerlandais du nom de The Aurora Project. Pari osé car il s’agit là du premier album du groupe, qui plus est un concept album. Mais pari réalisable cependant.

Difficile de qualifier la musique de The Aurora Project comme étant du métal ou du rock progressif, car toutes les influences sont ici mêlées. Le concept de l’album est assez ambitieux, reprenant quelques concepts philosophiques chers à Descartes notamment, et les hollandais ont choisi le bon support pour nous exposer leur idée : entre claviers futuristes et sixties, entre ballades acoustiques et riffs délurés plus métal, les ambiances ne manquent pas.

C’est d’ailleurs le point fort de Unspoken Words. D’une intro plutôt rock planant, on passe à un métal psychédélique diablement accrocheur, aux riffs meurtriers, en passant par des titres plus « pinkfloydiens » totalement narratifs (System Log) et des ballades apaisantes. Tous ces contrastes sont saisissants lors des premières écoutes, l’album paraît brumeux mais charmeur à souhait, complètement hors du temps et de l’espace. Les parties vocales contribuent fortement à cette impression, avec une voix douce et sombre qui se rapprocherait de celle de Vincent Cavanagh (le chanteur de Anathema).  

Seulement voilà, même si les petites subtilités apparaissent au fur et à mesure des écoutes et viennent apporter leur contribution à la richesse de l’ensemble, un défaut de taille apparaît de plus en plus clairement au fil du temps. Il manque un fil rouge à l’album, un titre ou même un refrain fédérateur qui pourrait de par son aura conduire efficacement Unspoken Words. C’est toujours le risque dans ce genre de concept album, d’apposer trop d’influences qui, même si dans l’ensemble elles sont maîtrisées, constituent au final une entité nébuleuse dont on a du mal à saisir l’essentiel. C’est ce qui se passe avec Unspoken Words, aucun élément fédérateur ne se dégage et nous laisse un peu dans l’expectative, dans le flou.

Cela dit, The Aurora Project nous livre un album agréable et intéressant, plutôt ambitieux même en mêlant des touches progressives (entre rock et métal) et des passages plus atmosphériques qui jouent énormément sur les ambiances plus que sur la technique pure. Mais seuls quelques titres sortent du lot, notamment The Betrayal avec son refrain transcendant et fiévreux, l’ensemble de l’album s’embourbe quelque peu dans une torpeur dommageable. Un album conceptuel intéressant mais trop dispersé, à réserver aux amateurs de prog déstructuré.