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Itinéraire d’un chroniqueur

Au début, il y eut Watershed. A dire vrai, ça n’avait pas commencé là, mais cet album devenait un passage obligé, un rite nécessaire. Le neuvième. Quand il l’écouta pour la première fois, il se dit qu’il y avait quelque chose. En plus, mais sans réellement savoir quoi. Comme à chaque fois, l’édifice des suédois n’allait pas céder en une fois, et de nombreux assauts allaient être nécessaires pour prendre le bastion. Temps, patience, attention, les armes lui étaient connues depuis longtemps. Alors il s’en équipa, mu par cette éternelle envie de découvrir, entre les lignes, ce que cachaient ces diables de scandinaves.

Cela ne prit que peu de temps avant qu’il ne s’aperçut d’une chose, importante au demeurant. Une voix féminine, celle de Nathalie Lorichs, suédoise elle aussi, des violons, des orchestrations venaient, parfois, donner une teinte singulière aux chansons. Une nouveauté pour Opeth, mais une nouveauté heureuse, car leur intégration, discrète mais pertinente, donnait un souffle nouveau à la musique. Un souffle nouveau, un visage nouveau, toujours sous tendu par cette sorte d’inéluctabilité et de noblesse que le groupe avait toujours su faire émaner de ses chansons.

Il comprenait maintenant pourquoi Mickael Akerfeldt était si satisfait du travail fourni. Avec moins d’instinct, mais avec plus de perfectionnisme, Opeth était parvenu, une fois encore, à transcender sa musique, en utilisant des chemins détournés. Les transitions entre les titres avaient été soignées, ponctuées de rires schizophrènes, guitares psychédéliques ou voix fantomatiques, ajoutant encore à l’ambiance envoutante. Le growl, toujours terrifiant de profondeur, avait cédé le pas en laissant plus de place au chant clair, considérablement retravaillé. Ce rééquilibrage du chant se faisait de manière naturelle, avec toujours cette volonté de coller au plus près à ce sacro saint équilibre force / subtilité.

Watershed était habité, il en avait acquis la certitude. Un peu comme Robert Johnson, naguère taxé de tous les maux, y compris d’avoir scellé un pacte avec le diable en personne. Le blues, complainte mélancolique des cotonniers qui avaient pour seul défaut d’avoir la peau cuivrée, l’esprit du blues suintait de cet album. Comme les précédents pensait-il, mais avec une résonance différente cette fois-ci. Cette guitare sèche, solitaire et lumineuse, irradiait de ses sonorités suaves Burden ou Hessian Peel. Tout comme ce clavier, désormais parfaitement intégré, digne héritier des années 70 dans sa sonorité, et dont Mickael Akerfeldt est un fervent admirateur. Ces influences, ces racines diverses, leur imbrication dans l’univers de Opeth, tout cela contribuait, à un niveau supérieur, à donner à Watershed une réelle âme.

Watershed était un album différent, comme les cotonniers de jadis, mais fier et riche il se dressait. L’instinct et la fluidité de ses prédécesseurs s’étaient certes quelque peu égarés, mais il proposait autre chose. Une ambiance, une atmosphère, un état d’esprit, une réelle prospection artistique. Et de l’intelligence, toujours, comme une trace indélébile laissée partout par les suédois. Surprenant Coil, cataclysmique Heir Apparent, troublant The Lotus Eater, somptueux Burden, intransigeant Porcelain Heart, chaque titre était différent sans sa forme, mais tous avaient ce but commun, celui d’insuffler à Watershed cette identité trouble et torturée. Noir et beau, voilà comment était l’album. La magie qui entourait le groupe n’avait pas disparu, elle avait changé de forme. Il laissa simplement Mickael Akerfeldt conclure par ses mots : « Je ne fais pas partie de ceux qui apprécient les albums spontanés écrits par de jeunes gens aux hormones en folie. J’aime les œuvres d’art délicates, réalisées avec soin. » Tout était dit.

0 Comments 25 mai 2008
Whysy

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