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Un homme. Une femme. Il faut les deux, et l’humanité avance, pour le meilleur et plutôt le pire.
Vous faites disparaître l’un ou l’autre, et voilà qui fera aussitôt des vacances à maman Gaïa, qui, aujourd’hui, n’a plus guère que la force de marmonner: «  Tout ça pour ça… »
La chanson, la musique font plutôt figure de créations sympathiques à attribuer à l’homo sapiens. En Europe, pour des raisons religieuses et machistes, il faudra attendre le XVIII° siècle pour que le chant féminin gagne ses lettres de noblesse grâce entre autres à un Mozart, qui sauvera moult coucougnettes d’aspirants castrats, castrats qui officiaient -souvent de manière ridicule-en lieu et place des femmes, interdites de vocalises.
Afin de célébrer la double sexualité retrouvée de l’espèce humaine, chanson et musique ont donc rapidement imposé de façon toute naturelle le principe du duo masculin féminin. Notre genre musical et métallique préféré, lui, ne méprisera pas  cet exercice de style. J’ai des souvenirs émus de mes premières écoutes de groupes comme VISIONS OF ATLANTIS, BEHOLDER, ou encore THEATRE OF TRAGEDY qui imposera dans ses œuvres cette dualité vocale dés la fin des années 90.

En 2009, TOUCHSTONE signe avec ce WINTERCOAST son deuxième vrai CD. Et ce groupe considère déjà depuis son premier EP la cohabitation d’un chant féminin et d’un chant masculin comme inscrite de manière inaliénable dans son ADN. Egalement inscrite dans celui-ci, l’origine anglaise de TOUCHSTONE, un gène de quality indiscutable, la perfide Albion -en plus d’être totalement innocente du coup de chaud de notre Jeanne- pouvant s’enorgueillir d’être le berceau, le Panthéon des dieux du rock progressif.
La femme: Kim SEVIOUR. Une jolie voix, douce, et dont la texture reste ferme lors des montées dans les octaves. Le timbre de sa voix la destinerait plutôt à des compos flirtant avec la pop, loin du métal, donc, mais ça n’est pas grave, puisque l’on parle ici de rock progressif.
L’homme: Rob COTTINGHAM. Une voix plutôt grave, et chaude, qui ne démérite pas lors des montées en puissance, les aigus restant -heureusement- au placard.
Ainsi, tout au long des 72 minutes de ce WINTERCOAST, les deux voix s’interpelleront, se complèteront, se doubleront, l’avantage en temps de parole restant toutefois à l’agréable organe de Kim.

Quand on parle de progressif, il est d’usage de parler d’influences. TOUCHSTONE s’est affranchi des siennes, parce que j’ai fait chou blanc. J’ai songé à des groupes comme HEADLINE ou SYRENS CALL, à cause du chant féminin, mais la comparaison s’arrête là. En grattant bien, le nom de MARILLION a pu apparaître, le MARILLION des années 80, mais c’est sans doute la guitare d’ Adam HOGDSON qui en est la cause. Piochant généreusement dans le son des eighties, la six cordes d’Adam n’est pas avare en riffs typés hard rock, carrément. C’est surprenant, mais permet à TOUCHSTONE de réaliser un grand écart musical excitant dans lequel l’angélique voix de Kim se frottera tout autant à un énergique trio guitare-claviers-batterie qu’aux notes plus intimistes d’un piano et de quelques claviers plus éthérés. Si les turbulences d’un rock plutôt agressif semblent bien convenir à Adam HOGDSON,                   il ne dédaigne pas des contrées plus calmes.
La guitare sera alors plus acoustique dans l’accompagnement et la rythmique, et plus aérienne dans de brillants soli. Brillants, et ultra mélodiques. Mais pas ultra techniques.
Et oui, amateurs de prog à l’ébouriffante technicité, passez votre chemin! La guitare est à l’image de la musique de TOUCHSTONE: ME-LO-DI-QUE. Un point c’est tout. Les breaks instrumentaux, les changements de rythme sont bien là, en quantité suffisante pour justifier l’appellation « rock progressif », mais l’attachement de TOUCHSTONE à vouloir produire une musique accessible au plus grand nombre est très vite évident, en rayant les mots « technique froide, démonstrative, rébarbative, arrogante, nombriliste » du cahier des charges.  
Il en résulte une musique chaleureuse, riche en émotion, énergique, autant volontiers intime que puissante , sans jamais sombrer dans le prétentieux ou le facile. Rien de mieux que le premier titre, WINTERCOAST, justement, pour procéder à un état des lieux.
L’intro plombée à la guitare hargneuse et à la batterie qui n’est pas en reste annonce - ou peut-être devrais-je dire «  n’annonce pas, justement » les premières lignes de chant de Kim, sa voix limpide sculptant délicatement une mélodie immédiatement attachante. Et il faudra vous y habituer, car il en sera ainsi sur les dix compos de l’opus. La guitare volubile et saturée d’Adam ne tarde pas à reprendre du service et c’est un premier break, avec Rob qui vient y pousser la chansonnette. Sa voix chaleureuse est aussitôt doublée par celle de Kim, et c’est le mot duo qui prend tout son sens. Les deux chanteurs semblent s’apostropher, s’invectiver même, puis après un nouveau break bien planant, où les notes de piano sont serties dans des claviers atmo, c’est Rob qui s’en vient nous donner un cours de chant magistral. Montée en puissance vocale doublée d’ une montée en puissance émotionnelle, ça vous prend direct aux tripes et vous donne une seule envie: REPLAY.

Trois mots encore:
Le premier, sur les claviers. Généralement sobres en accompagnement, ils peuvent occuper brillamment l’espace sonore en intro ou durant des breaks, sans oublier un côté gimmick, parfois, pour précéder une ligne de chant. Sonorités modernes majoritaires!
Le deuxième, sur la production. Elle aurait pu être à mon avis un peu plus « scintillante ». Mais le seul vrai reproche que je ferai est un son de batterie un peu trop étouffé. La basse, elle, ronronne…
Le troisième, sur le concept. Car il y en a un. J’ai tardé, je l’avoue, à m’y intéresser, complètement sous le charme des réalisations de TOUCHSTONE, ce qui sera mon excuse. Et je vais devoir me fendre d’un deuxième aveu, genre qui fait mal: je ne suis pas sûr de l’avoir bien compris. C’est que mon anglais, désespérément trop scolaire, a du mal avec ces textes, remarquables de qualité, je le précise, mais pratiquant trop le double sens et l’art de l’ellipse. Un exemple: Dans SOLACE, je n’arrive pas à déterminer si le thème est ou n’est pas celui de l’inceste. Un extrait:
Chase away the monsters, daddy
Men who get into my bed
Who when done in my blanket leave me
With tempests in my head
Quoi qu’il en soit, les thèmes des chansons sont sombres. Questionnement peu complaisant et torturé sur soi-même, sur le monde qui nous entoure… C’est étonnant, car le ton des chansons n’a rien de dépressif, bien au contraire: légèreté, vivacité, émotion aussi, c’est vrai, mais rien qui puisse vraiment nous amener à nous passionner tout à coup pour la fabrication d’un nœud coulant et la stabilité toute relative d’un tabouret.

Mais avec TOUCHSTONE, nous sommes en terre de contrastes. Leur passion pour l’écriture nous grave inéluctablement leurs mélodies raffinées dans le crâne. Un groupe passionnant, vraiment, à découvrir sans plus tarder.


PS; Le concept doit être vraiment de quality, puisqu’il n’y a rien de moins que Jeremy IRONS, dans un rôle de narrateur de luxe!

0 Comments 31 mai 2011
Whysy

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