Le troisième album pour un groupe, c'est un peu comme la crise de la trentaine pour un jeune cadre dynamique, c'est pas toujours facile à passer. Surtout quand, comme dans le cas de Sonata Arctica, le groupe en question vient de produire un disque qui a largement révolutionné le Speed Metal en posant les bases d'un genre nouveau et en mettant un terme au règne, jusque là sans partage, des géants de Stratovarius. En général plus les succès sont importants, plus le retour sur terre est difficile. Je ne vous refais pas le topo classique, certains groupes s'en sortent d'autres pas, mais comme souvent Sonata se plaira à brouiller les pistes en se posant encore une fois comme l'exception qui ne confirme pas la règle...  En effet la bande à Tony Kakko aurait aisément pu se fendre d'un bon comme d'un mauvais album, mais c'était compter sans le sens aigu pour la contradiction qui anime ce combo finlandais. C'est donc deux ans après la sortie de «Silence» que le barbu lapon nous revient tout sourire en nous annonçant qu'il a décidé de modifier sa façon de chanter et que le son du groupe va s'en trouver assez profondément transformé. Forcément pour tous les fans de Silence la surprise est de taille, pourquoi un groupe en pleine ascension déciderait ainsi de changer alors même que sa recette fonctionne à merveille ? Selon Tony Kakko, c'est son incapacité à reproduire une partie de son répertoire en concert qui l'aurait poussé à ramener légèrement son chant vers les graves... L'argument est irréfutable, et le chroniqueur fastidieux pensant réaliser là une chronique simple et comparative se retrouve dans les cordes !  Effectivement le bougre n'avait pas tord, le chant a bel et bien changé. Plus chaleureux, plus doux, plus puissant à la fois, il donne d'un coup à ce talentueux autodidacte toute la personnalité qui lui faisait défaut auparavant. S'il restait encore des possibilités de comparaison avec le style de Stratovarius sur «Silence» et «Ecliptica», elles sont désormais absolument impossibles, Sonata Arctica vient, en une décision en apparence minime, d'acquérir définitivement son univers et sa personnalité. Dès lors il devient difficile d'analyser ce «Winterheart's Guild» par rapport à ses glorieux prédécesseurs.  Irrégulier pour les uns, bon mais sans plus pour d'autres, agaçant, brillant, surprenant... tels furent les mots qui fusèrent pour décrire ce troisième album. Pour ma part je rejoindrai l'avis du groupe lui même (qui vient encore de lui accorder quatre titres dans sa dernière tournée), «Winterheart's Guild» est un excellent album, largement pourvu en idées brillantes, et porteur de belles promesses. En effet Tony progresse dans tous les domaines et laisse envisager des lendemains qui chantent pour le combo finlandais. Certains titres de «Winterheart's Guild» comptent parmi les tous meilleurs de la discographie de Sonata : «The Cage», «Victoria's Secret» (aucun lien avec la marque de sous vêtements...) ou «Broken» renouvellent le style du groupe dans la continuité et vont vite devenir des incontournables en live.  Cependant «Winterheart's Guild» n'atteindra pas le niveau de «Silence», la faute à une irrégularité très préjudiciable. En effet certains titres ne sont pas dignes de figurer sur le disque, je pense notamment à l'insipide ballade «Draw Me» qui étale son ennui sur ses quatre minutes en pourrissant la fin de l'album, la speed «Champagne Bath» et la mid-tempo «Silver Tongue» sont quant à elles peu inspirées et n'apportent rien. Mais pour le reste c'est le grand schelem. Sonata renouvelle avec brio son répertoire de speederies, l'ouverture «Abandonned...» est une véritable tuerie, «The Cage» et «Victoria's Secret» des hits en puissance alors que la surprenante et variée «The Ruins Of My Life» complète magnifiquement le quatuor, en offrant à Jani ses meilleures parties guitares. Et à part ça ? Une ballade très réussie (une fois n'est pas coutume) «The Misery», un titre original et presque révolutionnaire «Broken» désormais classique et enfin une mid-tempo excellentissime «Gravenimage», mais que demande le peuple.  Pour moi «Winterheart's Guild» représente le sommet de la créativité artistique de Sonata Arctica et de son brillant leader. Malheureusement comme souvent il manquera un petit quelque chose au combo finlandais pour se hisser encore plus haut et les trois titres moyens de ce troisième album viendront un peu plomber la note... à charge de revanche !  SMAUG...