Vous recherchez quelque chose ?

En ce riche automne 2008, c’est au tour du groupe français Alkemyst de se prêter au jeu de l’interview. Après la sortie de leur second album, Through Painful Lanes, couvert de louanges par les médias, Arnaud Ménard le fondateur du groupe se livre à nous et nous éclaire sur la conception de son chef d’œuvre.
Après moult péripéties, voici enfin cet entretien ! Bonne lecture !


                                                       *****************************


Allez, question traditionnelle de la présentation… Peux-tu te présenter toi et ton groupe Alkemyst ?

Arnaud Ménard (guitare):Nous sommes un groupe basé en Haute Savoie, et avons une petite dizaine d'années d'existence; nous avons sorti un premier disque, « Meeting in the Mist », en 2003, sur le label Nuclear Blast; nous avons en effet eu le privilège d'être le premier groupe français signé par cette prestigieuse maison. Nous avons malheureusement perdu notre deal en 2005, et essuyé un certain nombre d'épuisantes déconvenues, ce qui nous a freiné dans la genèse de notre nouveau disque, « Through Painful Lanes », sorti en mai 2008 via les labels Nightmare Records aux Amériques, Irond en Russie et Spiritual Beast au Japon. Nous sommes actuellement en pourparlers pour une sortie européenne, mais rien n'est encore signé.
Le groupe est composé de cinq musiciens : le bassiste Denis Mellion, le batteur Arnaud Gorbaty, le chanteur Ramon Messina, également connu pour son travail au sein du groupe italien Secret Sphere, et les deux guitaristes Séverin Bonneville et moi-même. Les quelques chroniques parues à notre sujet définissent notre musique comme du heavy-speed progressif, mais je préfère diriger les curieux vers notre site internet, où ils pourront à loisir parcourir notre biographie et écouter des extraits musicaux : www.alkemyst.net ou www.myspace.com/alkemystmusic


Ca commence à faire un petit moment déjà que votre nouvel album est sorti alors que ressens-tu par rapport à ça, quelques mois après ? Etes-vous satisfaits ?

Nous sommes extrêmement satisfaits de cet album, comme de notre premier opus d'ailleurs. Ce sont deux disques sur lesquels nous avons beaucoup travaillés. Nous passons énormément de temps à soigner les détails de nos chansons; il est donc logique que nous ne nourrissions pas de regrets à l'égard de nos productions. Elles ne sont certes pas exemptes de défauts, sans doute, mais elles correspondent exactement à ce que nous souhaitions faire au moment où elles ont été écrites et enregistrées.
« Through Painful Lanes » est un disque dont nous sommes extrêmement fiers et que nous avons beaucoup de plaisir à écouter. Nous espérons d'ailleurs que ce plaisir est partagé par les auditeurs !


Comment l’album a été accueilli par les médias ?

Les réactions ont été excellentes ! Stéphane Auzilleau, journaliste de Rock Hard France, nous offert un beau cadeau en nous mettant en tête de sa playlist en juillet 2008, et cela sans promo officielle ni label, les webzines et magazines nationaux nous ont gratifié d'excellentes chroniques, et les retours de l'étranger sont eux-mêmes très élogieux. C'est pour nous une immense joie et un grand soulagement, car les réactions à notre premier disque, moins unanimement dithyrambiques, nous avaient quelquefois donné l'impression de subir un bizutage un peu injuste.


Pourquoi avoir attendu autant de temps (5 ans) avant que le groupe sorte un nouvel opus ?

Tout d'abord, notre musique demande beaucoup de temps, car nous sommes très pointilleux et exigeants sur l'écriture de nos chansons. Je veux dire, beaucoup de groupes officiant dans le même style que nous, même s'ils font de la musique de qualité, cherchent avant tout à trouver des thèmes entraînants et à composer des lignes de chant intéressantes, la guitare accompagnant le tout en plaquant des accords. Nous nous cassons beaucoup plus la tête, car nous pensons que c'est ce qui fait notre originalité (et c'est d'ailleurs ce qui séduit dans notre dernier disque) : les riffs sont développés, les guitares sont harmonisées, chaque break de batterie est écrit, etc. C'est un long et fastidieux travail d'arrangement.
Nous souhaitons en effet créer une musique classieuse et sophistiquée, qui ne tomberait pourtant jamais dans l'outrance technique et la démonstration stérile. Ce n'est pas si facile, et cela nécessite de nombreuses remises en questions. « Cent fois sur le métier... ». Cela n'a rien de prétentieux ni d'élitiste, c'est tout simplement ce qui nous éclate. Mais c'est sans doute plus chronophage que d'écrire un album de punk !
De plus, nous avons collectionné les emmerdes durant ces cinq dernières années : nous avons perdu notre contrat discographique, été obligé d'en retrouver un (ce qui nous a fait perdre un an), et j'ai eu à gérer un certain nombre de problèmes personnels qui m'ont empêché de pouvoir jouer de la guitare pendant deux ans. La joie ! On peut dire que nous revenons de loin.


Concernant l’album en lui-même, de quoi parle-t-il ?

Au début, les morceaux n'étaient thématiquement pas reliés. Nous avions composé la musique intégralement, et, chacun dans notre coin, nous avions couché sur papier un certain nombre d'idées et de textes. Lorsque Ramon est arrivé pour enregistrer, les textes n'étaient pour ainsi dire pas fixés; de manière collective, nous avons alors tenté de compléter ce que les uns et les autres avaient écrit de plus convaincant. Au final, c'est le titre de l'album qui nous a donné une ligne directrice, et chaque chanson met en scène un personnage porteur d'une tare, d'une souffrance, d'une fêlure, d'interrogations existencielles (l'identité, la foi, le rapport aux autres, au monde contemporain, etc.). Par conséquent, nous avons fini par obtenir une espèce d'album concept très homogène.
D'une manière plus générale, nous étions très peu fiers des paroles de notre premier disque, peu soignées et fouillies. Sur notre deuxième disque, nous voulions nous améliorer, et c'est la raison pour laquelle chacun a pu mettre son grain de sel, interroger l'autre sur le sens exact de ce qu'il écrivait, pour parvenir à plus de clarté. Les textes de « Through Painful Lanes », du coup, en ont gagné en profondeur et en lisibilité.


D’après des experts, il semblerait que l’aspect prog est plus marqué qu’auparavant ? Qu’en penses-tu ?

Cela dépend ce qu'on entend par progressif. Disons que nous avons davantage insisté sur les atmosphères, les contrastes, et que nous savons aujourd'hui mieux éviter les clichés qu'auparavant. Notre musique est devenue plus exigeante et plus sophistiquée, sans pour autant s'amollir. On reproche lui quelquefois d'être trop progressive pour du speed metal, et trop speed pour du metal prog. Peu importe : les étiquettes de spécialistes ne nous intéressent pas; nous jouons la musique qui nous plaît, et elle emprunte autant au monde du heavy speed allemand, comme le prouve la reprise d'Helloween qui figure sur notre disque, qu'au rock progressif, à la pop, à la musique classique et même au metal extrême. L'important c'est que le résultat final reste cohérent et fidèle à ce que nous sommes.


Qui s’est chargé de quoi dans la composition et l’écriture ?

L'écriture des chansons a toujours été assez collégiale dans le groupe, même si les rôles sont clairement attribués. En général, Séverin et moi trouvons des riffs, nous nous les faisons écouter, l'un critique l'autre jusqu'à ce que la copie satisfasse les deux parties, puis nous mettons en place les morceaux au local de répétition. Nous avons des influences et des tempéraments assez différents, quoique complémentaires : j'ai tendance à composer des choses plus techniques, agressives et sombres que lui, dont les riffs sont souvent plus rock, plus lumineux, plus aérés. Un bel exemple de notre collaboration est « The Beast Within », que j'ai presque intégralement écrit à l'exception du pont acoustique très 70s qui scinde le morceau en deux, et qui lui m'a été amené par Séverin. D'autres fois, nous jammons un peu : Séverin joue deux accords, et je trouve la suite de la progression; quelquefois c'est l'inverse; mais ce qui est assez magique, c'est que l'un démarre souvent quand l'autre est à sec. On appelle ça la complémentarité.
Il peut arriver qu'Arnaud G. (batterie) nous présente également des idées qu'il a auparavant programmées sur son séquenceur, ou bien des rythmes de batterie que l'on « habille » ensuite de musique.
Pour ma part, possédant un home-studio, au contraire des autres membres, je peux approfondir un peu plus, et ce que je propose est souvent amené dans une version proche de ce qu'elle sera une fois enregistrée « pour de vrai ». Du coup, vu que je peux tourner une idée dans tous les sens, programmer une batterie, essayer différentes choses, je m'occupe presque intégralement des arrangements, des détails qui font tout le sel d'une bonne chanson.
Tout cela concerne l'accompagnement musical, qui fait l'objet, comme tu peux le voir, d'un soin particulier. En ce qui concerne les lignes de chant, Ramon vient avec des esquisses, que nous achevons à l'enregistrement, au moment où nous adaptons les paroles aux mélodies. Nous essayons ensuite différentes solutions; nous gardons celles qui nous paraissent les meilleures.


Comment s’est déroulé l’enregistrement ? Où était-ce ? Quelques anecdotes croustillantes à nous raconter ?

Cette fois-ci, nous disposions d'un budget très limité; nous avons enregistré la batterie dans le studio d'un ami d'Arnaud G., non loin d'Annecy, avons poursuivi à la maison dans mon home studio et avons mixé le tout à Genève, au Taurus Studio, où Benjamin Rudio et Claude Lander ont effectué un travail remarquable. Cette dernière partie a été très plaisante, quoiqu'un peu stressante pour ma part, car venir chez de tels professionnels avec une musique presqu'intégralement enregistrée « à la maison », c'est un peu comme se retrouver à poil ...
Cette fois-ci, nous n'avons pas d'anecdotes particulières à raconter; pour « Meeting in the Mist », nous en avions une belle, puisque le disque dur du studio avait rendu l'âme durant le mixage, nous obligeant à réenregistrer l'album. Non, rien qui puisse en tous cas se dire ici. L'enregistrement s'est déroulé de façon plus ou moins satisfaisante selon ce que nous étions en train de coucher sur bande. Les guitares et la basse ont été assez fastidieuses à rentrer. En ce qui me concerne, par exemple, je n'avais pas joué de guitare depuis deux ans, tout était composé sur l'ordinateur, et il m'a fallu à la fois interpréter correctement des parties plutôt exigeantes, et les adapter intelligemment à l'instrument sur lequel elles devaient être jouées. Cela nous a pris en tout trois semaines bien denses; le genre de choses en tous cas que je ne ferai plus : être à la fois le musicien qui enregistre et le technicien qui écoute, choisit, édite, est un travail terriblement harassant qui ne m'a laissé aucun bon souvenir.


Avez-vous composé des morceaux qui ne figurent pas sur Through Painful Lanes ? En vue d’un prochain album par exemple ?

Et non ! Tous les morceaux que nous écrivons se retrouvent sur le disque; question d'unité. Et puis, nous ne sommes pas suffisamment féconds et productifs pour nous permettre ce luxe. En revanche, l'édition japonaise de « Through Painful Lanes » contient un titre bonus, « Mighty Powerfool » que je vous laisse volontiers découvrir; et que nous avons trouvé très amusant à écrire et à enregistrer.


Comment se fait-il que vous n’ayez pas trouver de distributeur en France ? Question d’exigence de votre part ? Ou bien pratiquez-vous un style quelque peu boudé par les labels (le metal extrême étant plus « en vogue » à l’heure actuelle) ?
Comment l’expliquez-vous ?

On nous a proposé pour la France des contrats qui ne nous intéressaient pas. Nous ne sommes pas prêts à tout pour que notre musique soit diffusée; avant tout, il faut que les termes du contrat qui nous lient à un label soient honnêtes et satisfassent  nos exigences.
Notre style musical est également boudé par les labels; de surcroît, nous produisons un album tous les cinq ans, ne sommes pas un gros vendeur, faisons peu de scène, et sommes français. Additionne ces facteurs et tu auras l'explication ! C'est complètement crétin, mais c'est ainsi.


Niveau line-up, on peut dire que chez Alkemyst, c’est un peu complexe ! Le fait d’avoir un chanteur italien, n’est-ce pas trop difficile à gérer sur le plan pratique ?

Notre bassiste vit à Paris, notre batteur en Isère, notre chanteur à Rome. Séverin et moi vivons à quelques kilomètres de distance, en Haute-Savoie, entre Annecy et Genève, région dont nous sommes tous originaires à l'exception de Ramon.
L'organisation est souvent un peu chaotique mais nous nous en sortons. L'aéroport international de Genève permet à Ramon de venir pour des sommes modiques et dans un temps record. En fait, c'est plus une question de volonté que d'autre chose, même si cela rend forcément les plannings moins flexibles.


Le fait que vous ayez tous des projets parallèles n’est pas trop problématique pour faire avancer le groupe ? Quels sont les priorités de chacun ?

Les priorités sont bien ordonnées pour le moment; de plus, nous ne sommes ni Iron Maiden, ni Metallica, et il ne me semble pas que les projets annexes au sein desquels officient les membres d'ALKEMYST soient des formations immenses aux plannings surchargés.


D’ailleurs, pourrais-tu me dire quelques mots à propos de ton projet avec le chanteur de Sybreed ?

C'est un projet qui porte le nom de Deathcode Society. Il a quelques années déjà, mais avait été mis en standby. Nous avons rattaqué l'an dernier; j'ai pour l'instant écrit trois morceaux. C'est quelque chose de très ambitieux et d'une envergure un peu terrifiante maintenant que je suis plongé dedans. Pour écrire ces titres, j'ai du me replonger dans mon solfège, et m'intéresser un peu plus à la théorie musicale, ce qui, pour moi qui possède de bien maigres bases, constitue un travail imposant, que je compte bien mettre à profit pour ALKEMYST. Musicalement, c'est du metal extrême très rapide, blindé de blasts, bourré jusqu'à la gueule d'arrangements orchestraux, relevé d'électronique; tout y est « too much » : les titres sont longs, possèdent des parties chorales, etc... Ca ressemblerait de loin à un mélange entre Emperor, Anorexia Nervosa et Frontline Assembly, plus ce qui fait la spécificité de chaque musicien qui compose notre club de bourrins. Une sorte d' « Apocalypse Metal » pompeux et exalté. J'ai vraiment hâte d'entendre ce que cela va donner. D'ailleurs, je travaille sur une démo qui devrait être terminée en janvier.
A la batterie, nous comptons dans nos rangs un de mes meilleurs amis, l'immense Grégoire Galichet du groupe Hectic Patterns, avec qui je m'étais juré d'enregistrer un disque un jour. Ben fait partie du projet depuis le début; il est un peu moins dispo car il travaille beaucoup sur le nouvel album de Sybreed; cela dit, il est vraiment branché par ce petit monstre qui va nous permettre d'exprimer une autre facette de notre créativité.


Vu la qualité de votre dernier album, n’y a-t-il pas de jalousie avec Secret Sphere ?

Aucune. Les membres de Secret Sphere sont des gars très sympas : nous nous entendons à merveille.


Niveau actualité scénique, qu’avez-vous de prévu ?

Nous jouons assez rarement, car malheureusement les opportunités de concert, pour les groupes oeuvrant dans notre style, sont assez rares. Nous aimerions faire  davantage de concerts, mais nous en sommes réduits à quelques dates éparses.
Néanmoins, nous jouons le 6 janvier 2009 avec Dyslesia à la brasserie du Mont Blanc, à Chambéry, ainsi qu'à Annecy en avril ou mai 2009, au Brise Glace.


Bon, questions de la fin : si tout était possible, avec qui aimerais-tu tourner ? collaborer en studio ?

Question un peu difficile... j'aurais sans doute adoré faire partie de ces affiches incroyables qu'on trouvait à la fin des années 80 et au début des années 90, lors des Monsters of Rock à Donington; toutes les légendes s'y trouvaient ! A vrai dire, je ne sais pas ... Tourner avec un groupe qui a de la bouteille doit vraiment être une grande expérience. Après, je n'ai pas de préférence affichée. Allez, héros de ma jeunesse, contactez-nous !
En studio, j'avoue aimer certains travaux, mais rarement l'ensemble des réalisations d'un producteur. Comme dans beaucoup d'autres domaines, avec l'age, je commence à devenir ridiculement pointu et marginal (rires). Par exemple, j'adore le son des morceaux constituant les faces B des singles d'Helloween à l'époque du Keeper II (« Savage », « Victim of Fate », etc.); Tommy Hansen et Tommy Newton ont fait là du bon travail (comme pour l'album « Parallel Minds » de Conception). Dans les rolls de la production actuelle, j'aime assez le travail d'Andy Sneap et de Fredrik Nordström. Il y a naturellement un grand nombre de studios américains dans lesquels je rêverais ne serait-ce que de passer le balai.
Encore une fois, nous ne sommes pas difficiles : faites-nous des propositions !


Je te laisse le mot de la fin !

Merci pour ces questions, et pour l'intérêt que vous portez à notre musique. Nous voulions également remercier nos fans qui ont su être patients et qui nous ont témoigné leur plaisir à l'écoute de notre nouveau disque.


~ La Dame à la Licorne ~

0 Comments 01 novembre 2008
Whysy

Whysy

Read more posts by this author.

 
Comments powered by Disqus