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Il y a des instants dans la vie d’un chroniqueur où il se trouve face à lui-même et se demande bien ce qu’il va pouvoir offrir à son lecteur. Si peu inspiré qu’il se livre à quelques confessions, comme Levi-Strauss avait pu nous laisser entrevoir son goût pour la peinture aux vues des nuances saisies, par son œil d’anthropologue, afin de décrire un coucher de soleil, lui fournissant une matière d’une simplicité manifeste et pourtant d’une abondance impressionnante nous livrant ainsi quelques quinze pages de proses succulentes sur un sujet peu intéressant. Masturbation littéraire s’il en est, à laquelle je ne m’adonnerai pas. Je crois que la note et pareille introduction aura suffi à faire fuir le peu de lecteurs qui me restait.

Pourtant Bokor a bien failli m’inciter à un challenge fou et perdu d’avance, celui de rivaliser avec ces quelques pages de Tristes Tropiques. Car l’album s’annonce dès ses premières notes comme déroutant, une ambiance noire, sale, dans laquelle on s’attendrait à voir surgir le chanteur de System Of A Down. Il semble en décalage avec la musique du groupe et ne chante pas forcément mal mais l’entendre forcer sur sa voix a plutôt tendance à ternir une image qui se voyait se bonifier par les rares passages atmosphériques au chant doucereux. Vous ne serez pas dupes plus longtemps et comprendrez que l’on a bien à faire à du prog métal. La musique semble un hybride né d’éléments néo et mélancoliques atmosphériques et même rock.

L’album affiche une production salasse, le son gras des guitares semble saturer l’espace sonore formant une sorte de grosse masse peu perceptible sporadiquement éclairée par des passages en guitare clean. De ce capharnaüm émerge la voix, qui, bien que perceptible, n’arrivera pas à me convaincre.
Le son clean, qui a le mérite d’être distinctement perceptible, n’est en revanche pas ce qu’il y a de plus agréable à entendre en la matière, peu mélodieux et aux sonorités trop clinquantes à mon goût. Plus on avance plus le dessein du groupe semble clair. Sans doute la musique de Bokor est-elle à placer du côté de ces groupes qui nous vendent rêves et réalités catatoniques. Difficile de gloser là-dessus tant ce style se fait un plaisir à mêler rêves, hallucinations et réalité, enfantant par conséquent désirs morbides, désillusion, rêve tragique, que sais-je encore ?

Cet univers est d’habitude de ma convenance mais ici la combinaison semble peu efficace car, s’il y a une volonté de complexifier les structures - offrant un outil musical considérable pour la mise en scène de thèmes schizophréniques ou perturbés- il n’y a en revanche pas d’élément qui fait dire à l’auditeur « hey il y a quelque chose là, il faut que je réécoute ».
Que dire ? A qui la faute. ? L’album nous laisse une impression analogue au croisement d’un train roulant dans le sens contraire au vôtre, ce train étant rempli de personnes vous faisant signe. Car oui, on sent un désir de bien faire de donner de la matière, de lui donner forme et relief mais ce même relief, la production peine à le faire ressortir si bien que l’album disparaît en 44 minutes, laissant pour unique souvenir à votre mémoire, celui d’une musique cradingue et brouillonne de laquelle émerge une voix étrange et en décalage avec ce que vous avez pu entendre.

Cet album est une esquisse musicale dont se dégage un désir de bien faire. Bokor semble s’être posé les bonnes questions, avoir trouvé une partie des réponses même si le chant et la musique peine à rentrer en adéquation. Néanmoins, il manque cruellement de moyens de mise en œuvre rendant tous ces efforts peu perceptibles. Tentez l’expérience, car si le groupe n’est pas facile d’accès il peut toutefois se targuer de ne pas faire dans la redite même si des grands noms comme Opeth, Anathema, Porcupine Tree semblent se profiler derrière ce nouvel hybride progressif.


Dreamer

0 Comments 31 mars 2007
Whysy

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