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Il fut un temps où le metal était léger. Du moins, si l’on s’entend sur ce que signifiait metal alors. Je suis certain qu’en 1986, un fan de Metallica ou de Slayer vous aurait ri au nez si vous aviez mis son groupe favori dans le même sac que Twisted Sister, appelant ça du metal d’un coup d’un seul. Aujourd’hui ce n’est plus vraiment un problème, malgré le retour des niches depuis le début des années 90, les fans de metal sont parmi les plus tolérants.

On peut quand même dire que les années 80 furent la grande époque du metal, avec ses déclinaisons hair, glam, power, AOR, et que tous ces groupes délicieux, s’ils n’étaient de loin pas tous mauvais, étaient tout de même relativement légers.

On aurait pu croire que ces temps bénis du Spondex et du rimmel allaient durer éternellement, c’était sans compter sur Seattle, ses chemises de bûcheron, son rasage approximatif et sa scène grunge naissante. Et une fois qu’elle fût née définitivement, à savoir le 24 septembre 1991, on comprit alors qu’il était plus que temps de ranger les costumes de drag-queen et de se remettre à faire de la musique. Le jour de la sortie de Nevermind, de Nirvana, on avait déjà pu entendre le Black Album de Metallica (pas du grunge, évidemment, mais tout de même un très sérieux coup porté à Mötley & co), sorti le 12 août précédent, Ten, de Pearl Jam, sorti le 27 août (malgré des débuts discrets), et un an auparavant, Facelift, premier album d’Alice In Chains.

Ainsi démarrèrent les années 90, par le changement brutal d’une ère qui renvoya presque définitivement le metal au creuset underground duquel il était sorti. Et si je vous parle de ces quelques mois fondateurs, c’est que les très sympathiques frenchies de 7 Weeks y sont resté complètement bloqués, et ce pour le plus grand bonheur de ceux qui ont apprécié ce style et cette époque.

Enfin, complètement, j’exagère. Complètement, c’était le cas de Arms Of the Sun, qui nous avait offert en 2011 le magique Arms Of the Sun, opus éponyme et totalement révérencieux de cette époque dorée, poussant parfois assez loin l’hommage à Alice In Chains, dont le fabuleux Black Gives Way To The Blue reste l’une des meilleures surprises de ces dernières années. 7 Weeks, pour ce troisième album, nous réserve aussi de bons moments plus stoner, voire trashy, même si son armature principale reste le grunge old school comme en témoignent par exemple les superbes You Are So Special et Bones & Flowers, incarnant les deux faces du grunge sur lesquelles je reviendrai.

Mais reprenons du début.

Formé à Limoges au début des années 2000, 7 Weeks se compose à l’heure actuelle de Julien Bernard (chant & basse), Jérémy Cantin-Gaucher (batterie), Florian Compain (guitares) et Manu Costa (claviers). Trio à l’époque, les métalleux sortent un EP en 2007, un premier album en 2009 (All Channels Off) et s’illustrent en proposant en 2011 un ciné-concert, « 7 Weeks plays Dead of Night », où le groupe joue une musique plus ambient et complexe sur fond de diffusion du film d’horreur-culte de 1979.

C’est sans doute ce qui leur a valu d’être intégrés à l’écurie Klonosphère, et qui peut leur laisser espérer aujourd’hui une plus importante distribution. Qu’en est-il, de ce massive rock, comme le clame leur bio ? Eh bien effectivement, la première chose qui frappe, c’est que c’est du rock. Pas vraiment du metal donc. Mais plutôt un entre-deux, comme l’était déjà à l’époque… le grunge. Et comme l’est aujourd’hui le stoner. Les guitares sont lourdes et massives, les voix graves et rocailleuses, et bien sûr, y a du riff qui envoie du pâté. Mais les passages plus agressifs sont teintés d’une urgence punk, bien plus que d’une brutalité metal.

Première chose qui saute aux oreilles à l’écoute de cet excellent Carnivora, c’est la puissance et la qualité du son. Celui-ci est tout simplement énorme, les guitares bénéficiant d’une construction murale et cathédralesque somptueuse, typiquement années 90. On croirait souvent entendre du Soundgarden ou du Silverchair. Les gars de 7 Weeks, de toute évidence en grande forme, y vont assez sérieusement et de tous leur cœur, sans faux pas ou sans anicroche : ils ont leur credo et s’y tiennent. On a même plaisir à déguster quelques notes de claviers éparses, ou des intros délicates plus travaillées. Let Me Drown est à ce titre une des grandes réussites de l’album. Quelques ambiances acoustiques viennent ponctuer leur propos, et atténuer le mur du son qu’est Carnivora. On retrouve donc dans cet album les deux faces du grunge, directement héritées de Led Zeppelin, l’aspect rock & roll en moins : des guitares parfois heavy et sales, et des guitares parfois acoustiques pas vraiment plus propres.

Bon, je vais arrêter de faire le VRP du groupe, je vous garantis que c’est pas des potes à moi, j’ai rien inventé, tout est vrai, Alice in Chains déchire. Heu non, Nirvana, c’est ça ? Attendez, on est en quelle année là, 93 c’est bien ça ? Ginola joue encore ? Mitterrand est bien le président ? Qui ça ? François Hollande ? Le gros binoclard là, le mec à Ségolène Royal, c’est lui le président ?

Putain le choc !

Blague à part, oui, vous l’aurez compris, 7 Weeks est resté bien bloqué 20 ans en arrière. Est-ce vraiment un problème ? Après tout, si on aime ce genre, eh ben c’est parfait, j’aime ce genre, j’ai vécu ces années, j’étais fan de Nirvana, Carnivora est fait pour moi et j’ai franchement adoré y retrouver ces ambiances aujourd’hui désuètes. Du moins elles l’étaient pendant 15 ans, il semblerait qu’une scène post-grunge se dégage enfin, on va pouvoir assister peut-être à un retour positif de ces bonnes vibes bûcheronnantes, et je ne parle pas du bousin King Animal. Bien sûr, il n’y a pas que du grunge old school dans ce très agréable opus, il y a aussi des touches stoner, des références à Josh Homme, des textures plus synthétiques aussi, ce qui est le paradoxe le plus complet et à la fois le plus réjouissant, puisque le grunge avait justement représenté une cassure brutale avec le synthétique des eighties et prôné un retour ascétique au vrai son. On notera d’ailleurs qu’au même moment une autre scène se targuait de faire du true.

Ainsi que le post-punk amalgamait cette intransigeance No Future avec les claviers que Rotten et consorts avaient tant honni, de douces textures ambiancées viennent se mêler aux riffs rugueux de ce post-grunge. Mais c’est encore timide, et je n’ai qu’une envie, en tant qu’amateur de grunge, de post et de cross-over en tous genres, c’est de réclamer auprès des sympathiques 7 Weeks, un peu plus de courage artistique et créatif pour le prochain LP.

Parce que franchement, si vous tombez par hasard sur le premier morceau de l’album (l’excellent Bones & Flowers), ou, continuons avec un peu de hasard, le morceau titre, (le puissant Carnivora), pas de doute, on est en plein dans la vague, plongé avec délices dans les années folles de la chemise à gros carreaux. Il y a de la matière pour faire encore mieux, aller plus loin et proposer cette fois un véritable essai moderne : gageons que l’influence positive des cadors de l’écurie Klonosphère saura entraîner 7 Weeks vers des territoires moins défrichés et plus aventureux.

0 Comments 07 février 2013
Whysy

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