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Deux ans après la sortie du contesté et pourtant très beau The Divine Conspiracy, Epica, qui entre temps a enchaîné sans répits tournées et sorties (le live The Classical Conspiracy, enregistré avec un orchestre et qui lui, a été très chaleureusement reçu), nous propose son quatrième opus.


Pour l’album précédent, la formation batave avait pris tout le monde de court en se détournant résolument du charme heavy et gothique très accrocheur de ses débuts pour ouvrir la porte à de nouvelles influences, plus extrêmes et élaborées, se hissant ainsi à des hauteurs inespérées, et laissant les seconds couteaux loin, bien loin derrière lui. En 2009, Epica est plus mature et sûr de lui que jamais. Et malgré l’arrivée in extremis d’un nouveau guitariste juste avant d’entrer en studio (Isaac Delahaye, qui comme le batteur Ariën Van Weesenbeek, est issu de la scène extrême et a fait partie de God Dethroned), il est prêt à confirmer de la meilleure manière qui soit sa complexe et incisive nouvelle orientation.

Fait marquant dans l’évolution d’Epica, chaque changement de line-up se fait profondément ressentir dans la musique du groupe. Bien que Mark demeure le compositeur principal, tête pensante depuis les riffs jusqu’aux lignes de chant en passant par les complexes orchestrations, il laisse à chaque nouveau venu son terrain d’expression. Ainsi l’on découvrait sur des morceaux comme « Chasing the Dragon » ou « The Obsessive Devotion » quel prodigieux batteur était Ariën il y a deux ans, ainsi l’on s’émerveille maintenant sur Design Your Universe de découvrir autant de soli prodigieux et … de riffs !!

Car oui, mes amis, voilà ce qui fait de ce nouvel opus l’une des sorties les plus excitantes de l’année !! Tranchant sévèrement avec la démarche de groupes comme Within Temptation qui ne se servent plus des guitares que comme moyen de soutenir leurs pompeuses orchestrations, Epica choisit au contraire d’y glisser une vraie créativité et de mettre en avant les rythmiques comme jamais il ne l’avait fait auparavant. Ainsi, l’ouverture « Resign to Surrender », précédée par la belle introduction « Samadhi », où chœurs sublimes se distinguent sur des ambiances moins sombres et plus épiques que par le passé, est tout bonnement excellente. Le départ en trombe avec les chœurs et la rythmique ne surprend pas outre mesure, mais ce qui nous laisse pantois, c’est l’arrivée du chant de Mark soutenu par un riff heavy, moderne et efficace tel que vous n’en aviez jamais entendu chez Epica auparavant !! Et le morceau, à la structure particulièrement difficile à appréhender, de se terminer par un magnifique solo dans la plus pure tradition heavy Metal, et de nous laisser abasourdi devant tant d’à propos et de bon goût !

En fait, Design Your Universe n’est même pas un retour aux sources - car Epica ne s’est jamais trahi -, c’est un pas en avant vers la création, l’expérimentation, l’intégrité. L’effet de surprise perpétré par la brillante ouverture se renouvelle sur l’excellente « Martyr of the free word », l’un des meilleurs titres du disque, où Simone adopte avec brio un ton grave, mystérieux et sensuel que l’on ne lui connaissait pas. Ce titre est vraiment monstrueux à tout point de vue : l’alternance Mark/Simone fait merveille, les riffs sont lourds et directs comme jamais, le côté orientalisant sur les couplets rend le refrain encore bien plus agressif, et le petit break avec chant grégorien est tout bonnement jouissif. J’en profite pour signaler que notre rouquine aux cheveux de feu n’a jamais aussi bien chanté que sur cet opus. Depuis les envolées lyriques d’ « Unleashed » jusqu’au côté plus rock de « Burn to a cinder », jamais la belle n’en fait trop, au contraire, elle reste toujours convaincante, sensible, irréprochable... Et réussit à varier davantage, à explorer au maximum sa tessiture, ce qui mérite vraiment tout notre respect.

Quant à la musique, et bien, voilà un opus d’une ambition démesurée, qui parvient pourtant à nous séduire à chaque instant. Mark chante certes un peu moins que sur l’album précédent, mais l’album marrie tant d’influences et de diversité que l’expérience reste magnifique. Et encore une fois, Epica surprend en dérogeant à ses propres traditions. Car cette fois-ci, le morceau le plus long du disque n’est pas le titre final, mais un gros pavé central, véritable cœur de l’œuvre : il s’agit de la bien nommée « Kingdom of Heaven ».

A l’introduction orientalisante et éthérée succède un couplet dont la descente de guitare, saccadée et technique à souhait, s’avère d’une efficacité redoutable, à filer des frissons. L’on retrouve alors un peu du charme du morceau « Consign to Oblivion », notamment au niveau des chœurs qui nous ramènent à ce très bel album. Mais plus on avance dans le morceau, plus la structure de celui-ci nous déboussole jusqu’à devenir inextricable. Jamais Epica n’a été aussi complexe, allant jusqu’à proposer un break progressif voire expérimental complètement farfelu et audacieux, et qui pourtant s’intègre très bien à l’ensemble. Surprises garanties ! Et si au début, l’on reste perplexe, au final, on ne peut que se prosterner devant cette œuvre, qui se réclame aussi bien de la musique classique, que du black Metal (cf les blasts qui font leur apparition à la quatrième minute), et surtout du Metal progressif !

Et l’on pensait avoir tout entendu à la sixième piste ! Mais non, car même si la seconde moitié de l’album serra moins jouissive, l’on peut s’attendre à de l’émotion sur les jolies (quoique de facture bien plus classique) « Tides of Time » et « White Waters » (où le duo avec Tony Kakko est plus convaincant que celui d’avec Roy Khan en 2005), du bon heavy/thrash assez bourrin sur le brûlot « Semblance of Liberty », et de l’épique sur « Design your Universe »… un bon titre, mais qui selon moi demeure assez en deçà de tous les autres title-tracks proposés par le groupe dans le passé. A noter que sur certains titres, qui appellent à réfléchir sur les manipulations d’opinion et l’embrigadement des esprits, le groupe a carrément incorporé des extraits de discours d’Obama ou de Bush père (le même qu’avait utilisé Megadeth en 1992) !


Bref, comment résumer à propos de cet album ? Il s’agit d’un Epica comme vous ne l’avez jamais entendu : plus heavy, plus lourd, plus progressif et plus complexe que jamais auparavant. Plus coloré, plus abouti que ne l’était son glorieux prédécesseur, mais peut-être pas meilleur – car là où The Divine Conspiracy savait nous tenir en haleine de bout en bout, la longueur et la complexité de ce 4ème opus deviennent à la longue rébarbatives, et nous empêchent d’exprimer pleinement notre enthousiasme jusqu’au bout. La répartition des qualités n’est pas parfaitement équilibrée ; ou, que sais-je, peut-être est-il finalement impossible, au bout d’un certain temps, de ne pas être écœuré par ce déluge de chœurs, de gros riffs et d’orchestrations.

Quoiqu’il en soit, les détracteurs du groupe feraient bien, une fois dans leur vie, de tenter l’écoute de ce nouvel album, titanesque production au charme pourtant très authentiques : ils n’en reviendraient pas ! L’une des meilleures offrandes de l’année, d’un groupe qui ne m’a jamais déçu.


Gounouman

0 Comments 28 septembre 2009
Whysy

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