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Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je constatai, baguenaudant sur le site à la recherche d'un album à chroniquer, que le sublime album d'éponyme d'Exivious n'y figurait pas. « Horreur! » me dis-je, « je démissionne illico »! Ira furor brevis est, me tançait Horace encore tout récemment, ce qui peut se traduire approximativement par «Va-donc faire la chro au lieu de casser les couilles ». Face à tant de sagesse je ne peux que m'exécuter, vous comprendrez ma démarche.

Inventer un style, c'est la classe. Evidemment, tout le monde n'est pas Paul McCartney ou Chuck Schuldiner, et inventer la fusion death-jazz n'est sans aucun doute pas le genre de truc à faire crier les minettes. Mais ça reste la classe. Intégrale. Surtout quand il s'agit d'un truc aussi improbable et génial: une musique rapide, technique, complexe, avec des accords terrifiants, des ambiances sonores apocalyptiques, des solos lucifériens, des riffs d'anthologie et un batteur exceptionnel. A mi-chemin entre Cynic, King Crimson et Herbie Hancock, Exivious est un condensé de maestria technique et de son parfait, mis au service de structures alambiquées ou de rêveries planantes. Et même parfois de structures rêveuses, alambiquées et planantes.

Derrière les pupitres, deux rescapés du légendaire combo death Cynic: Tymon Kruidenier (guitares) et Robin Zielhorst (basse). Même leurs noms sont compliqués. A leurs côtés, Michel Nienhuis, guitariste de Sengaia (du metalcore hollandais), et Stef Borks, le batteur de Textures (doom-death-prog hollandais). Un super-groupe batave, en quelque sorte.

Autant dire qu'il va falloir avoir les oreilles bien accrochées pour écouter ce premier album: ça dézingue à tout va, changeant de rythme et d'ambiance toutes les trente secondes, et l'absence de chant peut franchement dérouter. Ce fut loin d'être mon cas. Dès la première écoute de Ripple Of A Tear, je suis tombé raide dingue de ce groupe. Riffs agressifs, basse en roue libre, festival de ride, accords de jazz, et ces solos, des solos de grand malade. Sans aucune faiblesse, et sans qu'on ait le temps de reprendre son souffle, les moments de pure folie s'enchainent jusqu'à All That Surrounds Part I, première respiration de l'album. Sans perdre un instant le fil conducteur du projet, Exivious nous offre un bel exemple de technique au service de la mélodie, sans chichis et sans fioritures, tout en grâce et douceur. I'm lovin' it.

Les morceaux magiques s'emboîtent comme des legos après ça, jusqu'à la reprise, tout en finesse, du thème d'All That Surrounds, Part II cette fois-ci. Arrive alors le chef d'oeuvre ultime de cet album, auquel je voudrais consacrer une thèse de musicologie mais bon, vous me comprendrez, je vais me contenter de quelques lignes. Attention superlatifs.

Un roulement de caisse-claire annonce le début d'Embrace The Unknown: sur fond d'accords aériens gorgés d'une sublime réverb, un solo de fretless proprement hallucinant annonce la couleur. Ca va défourailler, grave. En fait non. Toujours soutenu par les mêmes accords magiques et la même reverb si délicieusement mélancolique, une guitare au son étrange nous offre un solo précis et dantesque, rythmé par un contre-temps de ride carrément génial. Mais cela ne dure pas, car sous un feu roulant de double pédales et triples croches de shred dévastateur, Exivious nous explose  avec un break d'anthologie. Et là surprise, on reprend du début. Sauf que le solo de fretless est cette fois assuré par un duo de grosses guitares, et la guitare un tant aérienne se fait maintenant jazzy et atonale. Du grand art.

Tout est résumé ici, tout est dit. Ces mecs sont des grands, et cet album le prouve, maintes fois. Pas une putain de faiblesse, pas un morceau en-dessous du lot, du début à la fin de cette pièce magique Exivious est au sommet de son art. Dans ce style très particulier, ils marquent un jalon éternel avec cet album éponyme.

J'aimerais terminer cette chronique en rendant un vibrant hommage à Raoul, mon ami canard. Raoul, comme tous les canards, barbote dans une mare en faisant coin-coin mais contrairement à ses congénères, il ne se secoue pas le bas des reins. Le pauvre Raoul en aura vues, des vertes et des pas mûres. Mais surtout, on lui aura cassé un nombre de pattes totalement scandaleux au fil mes nombreuses chroniques et élucubrations notoires. Pauvre, pauvre Raoul. Je ne vous raconterai pas en détails ce qu'il est advenu de ses pattes en écoutant Exivious, ce serait trop cruel. Laissez-moi juste vous dire que cette bande de bouchers Hollandais lui en a cassé un bon paquet. Mais vraiment.

On pense à toi, Raoul.

0 Comments 11 juillet 2011
Whysy

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