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Il parait que c'est toujours difficile de faire mieux, surtout en musique, et surtout quand votre dernier album était une très grande réussite. C'est assez vrai dans le fond, seuls quelques rares artistes ont réussi à aligner les chefs d'œuvre sur une courte période. Il existe une solution assez simple pour pallier à cette difficulté qui peut nuire à une carrière, surtout quand il ne s'agit pas d'un groupe très commercial: se renouveler, évoluer, sortir un peu des sentiers battus.

Simple? Oui j'avoue c'est un peu du foutage de gueule, y a rien de simple là-dedans, et n'est pas Ihsahn qui veut. D'autant plus, me direz-vous, lorsque l'on joue une musique aussi aisément identifiable, bardée de références quasi-obligatoires, que le rock progressif. Pourtant, c'est le pari presque réussi de Beardfish avec Mammoth. Bien sûr il ne se sont pas mis au disco du jour au lendemain, et les personnes (rares j'en suis sûr!) qui ne peuvent pas voir en peinture le moindre gimmick prog ou la moindre sonorité évoquant Genesis ou Yes risquent de passer un sale quart d'heure. Mais encore une fois, c'est plus compliqué que ça.

Là où les suédois nous avaient laissés avec un album 100% prog, celui-ci est bien plus nuancé. Deux morceaux, The Platform et Green Waves, sont même particulièrement heavy, en tous cas pour un groupe prog. Grosse guitares et double pédale? Pas tellement, on est très loin de Dream Theater. Il faudrait plutôt aller chercher du côté de sonorités plus crasseuses, vers des rythmiques plus lancinantes et des tournures mélodiques riffesques inspirées du heavy metal: on est en plein désert scandinave, et Beardfish a inventé le stoner-prog. C'est surtout vrai pour Green Waves, où le groupe s'inspire assez clairement à la fois de Kyuss et de Metallica, le tout sans renier ses origines européennes.

Pour autant ce n'est pas une révolution, et dès le deuxième morceau les vieilles habitudes reprennent vite le dessus. On ne va pas se mentir: il y a là du pur prog, mais du prog vintage, qui sent bon la fin des sixties. J'ai rarement entendu autant de Hammond dans un album depuis Deep Purple, c'est dire! A noter également la présence d'un très bon sax sur plusieurs morceaux, dans une ambiance très floydienne. Hormis les deux chansons précédemment citées, Beardfish a un peu abandonné sa part de délire, et se concentre ici sur le son et les mélodies. Et quelles mélodies! Deux instrumentaux (qui s'écoutent sans difficulté), une bluette romantique, et le reste n'est qu'énergie pure! Aussi incroyable que cela puisse paraître, et malgré la complexité de certains arrangements, le groupe ne fait pas dans la dentelle: aucune hésitation, aucun faux-semblant, Beardfish propose une musique sincère et sans chichis.

Paradoxalement, et c'est sans doute-là le défaut de l'album, cette simplicité ne coule pas de source. C'est étrange, effectivement, et Mammoth est comme une formule mathématique: avant de l'avoir bien étudiée, elle est incompréhensible et semble inaccessible; mais une fois que vous l'avez bien lue et relue, elle vous semble limpide. Il en est de même pour cet album: aux premières écoutes, je n'ai absolument rien compris, surtout de mon point de vue de fan. Où allaient-ils? Pourquoi cette agressivité? Et quand-est-ce qu'on rigole? Le dernier opus des suédois a donc besoin d'être assimilé, et il vous faudra bien plus d'une dizaine d'écoutes pour en saisir tout la majesté et la beauté.

Certains morceaux passeront sans doute moins bien l'épreuve du temps, et je me lasse déjà de The Platform et Green Waves, justement les deux efforts les plus originaux du groupe. Mais Tightrope et surtout And The Stone Said « If I Could Speak », en voilà des chefs d'oeuvre qui resteront dans les annales du prog. Sur Mammoth, Beardfish renoue un peu avec le style des fameux Sleeping In Traffic, et ce n'est pas forcément une très bonne nouvelle. Bilan mitigé donc, mais après tout, il est bien possible que je n'aie toujours pas compris où les suédois voulaient en venir.

0 Comments 26 mars 2011
Whysy

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