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It Bites est un groupe miraculé, qui s'était taillé une belle part dans le gâteau du néo-prog britannique à la fin des années 80 avant de disparaître à jamais. Jusqu'à sa résurrection inattendue en 2008, avec l'excellent The Tall Ships. Cette fois, il n'aura pas fallu attendre 19 ans pour avoir le plaisir d'écouter leur nouvelle livraison. En même temps, je dis ça mais je ne sais pas vraiment si quelqu'un avait attendu la dernière fois. Pourtant ça avait bien cartonné It Bites, trois albums, un tube, et puis pschitt, comme dirait l'autre. Clapotis.

Ne nous attardons pas sur la genèse du groupe, j'y reviendrai lors du prochain épisode. Parlons plutôt de sa musique. It Bites pratique un néo-prog orienté hard-pop, avec quelques touches discrètes de classicisme bon teint. Et là, vous n'avez rien pigé ? Moi non plus, à vrai dire. Allons-y gaiement.

Néo-prog ? Il s'agit sans doute du terme pour désigner en un seul fourre-tout le prog post-golden age, même si je lis ici ou là qu'on nous parle d'une musique très émotionnelle, avec de longs solos en tous genres. Ouais, du prog quoi. Voici mon analyse, je vais tâcher de faire court.

On peut situer l'âge d'or du prog entre In The Court Of The Crimson King de King Crimson (1969) et Going For The One de Yes (1977), même si la petit voix puriste au fond de mon crâne me hurle que c'est beaucoup trop tard, et que le dernier grand album de prog serait plutôt Red de King Crimson (1974), opus apocalypticus s'il en est. A vous de voir. Quoi qu'il en soit, avant c'est plutôt du proto-prog (que ce soit A Day In The Life des Beatles ou Heroes & Villains des Beach Boys), et après, ben après c'est le reste.

Au milieu de ce reste, j'ai envie de distinguer deux grands courants: il y a ceux qui font du prog à l'ancienne leur fond de commerce, qui sont dans la révérence et parfois l'imitation, avec des longs morceaux, des sonorités seventies, des chanteurs dont la voix ressemble fortement à celle de Jon Anderson, et des solos de ouf. En vrac : Pendragon, Beardfish, Spock's Beard, Flower Kings, Glass Hammer, Anekdoten, Wobbler, Pure Reason Revolution, Magic Pie, Sky Architect, Pineapple Thief, The Tangent, et j'en oublie plein. Et puis il y a ceux qui ont plutôt suivi la deuxième époque du prog, celle qui commence à partir du milieu des seventies, et dont les dinosaures sont devenus les locomotives, la transmutation de Genesis en remplisseur de stades en est un des meilleurs exemples. Cette orientation soft-prog, parfois rock-pop, avec passages en radio à la clé (principalement dans les années 80), va autant concerner des ancêtres (ELP, Pink Floyd, Alan Parsons, Genesis donc, Jethro Tull et Camel avec moins de succès), des rookies à l'époque mais qui, chose étrange, ont gardé pour certains une indéniable énergie alors que d'autres sont morts et enterrés (Marillion, Galahad, IQ, Pallas, It Bites, Arena), ainsi que des petits nouveaux, comme les excellents Mandrake Project.

Malheureusement, l'heure n'est plus aux passages radios pour le néo-prog ou la hard-pop, et les temps sont durs. Il me semble d'ailleurs que les groupes les moins « classables » tirent le mieux leur épingle du jeu, avec à leur tête bien sûr Porcupine Tree mais aussi du post-core prog à la Mars Volta, du prog-death seventies (étrange oxymore) à la Opeth ou encore le jazz-prog délirant des Tonbruket et autres TRAM.

Au milieu de ce bordel, dans n'importe quel style et sous l'égide de toutes les chapelles, et là je parle vraiment au sens large, englobant Britney et Varg Vikernes, il existe une volonté tout à fait louable, presque artisanale, de donner à l'auditeur ce qui lui plaît, sans nécessairement y inclure l'argument commercial. Au risque de perdre les plus exigeants bien sûr, même si ceux-là étaient sans doute déjà partis vers d'autres cieux plus expérimentaux. C'est un peu ce que fait U2 depuis 20 ans, si vous voulez un exemple. Encore et toujours le même album, à chaque fois défoncé par la critique, mais qui remplit les stades. It Bites est un peu dans ce cas, sauf que, heureusement, c'est beaucoup mieux que la bande à Bono. Map Of The Past est donc un album sincère, honnête, qui mérite une bonne note, et qui contient même quelques grands moments. Le son, bien sûr, est complètement daté, mais pas daté seventies comme la plupart des albums de prog moderne, mais plutôt daté début nineties. En l'occurrence, il s'agit du son John Mitchell, guitare et chant, et membre d'Arena. Cette filiation va avoir toute son importance, et expliquer sans doute la présence de cet album sur un site comme Heavylaw. Prenez le meilleur d'Arena, à savoir les bons morceaux pas trop longs (Bedlam Fayre et Smoke & Mirrors sur Pepper's Ghost en 2005, par exemple), vous y ajoutez une touche plus mélancolique issue des années 80 et vous mélangez le tout en saupoudrant de paillettes pop, vous obtenez It Bites version 21ème siècle. Du hard, de la pop, des bonnes chansons, des beaux solos, des ballades et quelques passages compliqués quand même, mais pas trop, on est plus en 72 bordel !

Malheureusement, que ce soit parce que l'on a déjà entendu presque le même album en 2008 et qu'il était mieux, ou parce que celui-ci est un peu moins bien travaillé, avec des morceaux moins frais et entraînants, bref, ça marche un peu moins bien. Trop de ballades par exemple, trop de moments langoureux tels Man In The Photograph (catastrophique choix pour un morceau d'ouverture), Map Of The Past, Clocks ou encore The Last Escape. Et pas assez de riffs rythmés comme dans les excellents Wallflower, Flag ou encore Cartoon Graveyard. C'est là que le talent du groupe se révèle vraiment, le tissage d'une pop-song sur une base plus agressive que du Coldplay, presque AOR par moments. C'est sûr que de là à qualifier It Bites de « Metal », il y a comme un pas, un grand. Mais « prog » il en a gardé des traces, dans le surprenant et intéressant Send No Flowers, ainsi que le plus traditionnel Meadow And The Stream. Et bien sûr, souvent, un petit son de Hammond, un petit solo de guitare vient nous le rappeler, mais rien à voir avec les immenses hommages que sont des albums entiers réalisés par Roine Stolt, même s'ils sont excellents.

Cet album est donc à réserver aux plus tendres d'entre nous, à ceux qui ont aimé Mike And The Mechanics ou Calling All Stations, et surtout aux fans d'Arena désappointés par leur dernier et décevant opus. Un bon album mais sans plus, l'essai magnifique de 2008 n'aura pas été transformé. Mais on peut espérer qu'It Bites, cette fois, saura malgré un patronyme ridicule (« nom de merde » marche aussi) passer en douceur le cap du troisième album de sa deuxième vie, son sixième en tout si vous me suivez toujours. A suivre, donc !

0 Comments 15 avril 2012
Whysy

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