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Pour la sortie de son deuxième album, Nicolas Chapel a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à nos questions. Et ce que l'on peut dire, c'est qu'il y a répondu de façon TRES complètes. Il nous écrit un livre pourrait on dire. C'est pourquoi, pour honorer ses propos, j'ai inventé des chapitres à cette interview pour la rendre encore plus immersive. Pour coller encore plus à la personnalité de ce grand bonhomme nous immergeant à chaque album.

BONNE LECTURE ET BONNE CHANCE ( il va en falloir pour tout lire ;) )


INTERVIEW


Chapitre I : Introduction
Chapitre II : L'étape de la composition
Chapitre III : Les étiquettes, un fléau de journaliste ?
Chapitre IV : L’heure du changement ?
Chapitre V : Voix, textes et émotions, un trio gagnant
Chapitre VI : Amis = Influence ?
Chapitre VII : Recueil personnel
Chapitre VII : Il n’y a pas que la musique dans la vie…


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[Chapitre I : Introduction]





Salut Nicolas, c’est ta première interview pour Heavylaw.
Du coup, tu ne peux pas échapper à la question qui suit : présente-toi nous, ton parcours, ce qui t’a amené à la musique et comment est né Demians.

J'ai commencé en jouant de la guitare quand j'avais 7 ou 8 ans. Je préférais jouer de la guitare tout seul dans ma chambre, lire, dessiner, plutôt que passer du temps dehors. J'ai passé la majeure partie de ma vie à penser que je n'avais rien à raconter, et c'est vers l'âge de 22 ou 23 ans que j'ai commencé à composer pour moi, faire de petites maquettes que je pourrai écouter en promenant mon chien. C'est venu très vite, j'ai écrit plusieurs dizaines de petits morceaux, et quand je me suis rendu compte que je n'avais en fait pas de chien à promener, je me suis dit que ce serait dommage de m'arrêter là. Quand je finissais le boulot, dès que je rentrais le soir j'enregistrais des idées. C'est en 2006 que j'ai voulu faire un premier vrai album, et chercher des musiciens pour jouer ça en live avec moi. Le premier album est sorti en mai 2008, intitulé "Building An Empire", le groupe est parti en tournée, et le second album sort fin Juin et s'intitule "Mute".
A part ça, j'aime bien marcher sur la plage quand il pleut, faire fondre le cheddar sur le steak quand je fais cuire des burgers, et dire "bordel!!" quand ma voiture ne démarre pas.


« Building An Empire » a été acclamé par une grande partie du milieu metal. Que ce soit la presse (notamment une belle 3ème place dans le top 2008 d’heavylaw), les musiciens professionnels (Steven Wilson en tête...) ou le public, l’album n’a eu de cesse des critiques positives.
Deux ans après, que retiens-tu de ce démarrage « fracassant » ? N’as pas tu peur qu’il soit difficile de garder cette qualité pour le futur ?

En ce qui concerne la qualité, je ne peux pas en juger. Tout cela est subjectif.
Je ne porte pas d'attention aux notes ou au nombre d'étoiles, la musique n'est pas un concours mais simplement une affaire de goûts. J'évolue en temps que personne et ma musique évoluera avec moi, certains décrocheront et d'autres accueilleront les prochains albums à bras ouverts. Un album comme le mien pourrait tout aussi bien recevoir un 2 qu'un 10, parce qu'il sort du cadre dans lequel il est présenté la plupart du temps, ou parce qu'il ne ressemble pas à l'album précédent.
Mon but n'est pas de faire en fonction de ce qu'on attend de moi, et ce serait la meilleure façon d'entrer en contradiction avec ce que représente Demians.
En fait je vois vraiment deux étapes différentes, la création d'un album puis sa sortie. La première étape n'est pas conditionnée par la seconde.

Maintenant au sujet des débuts "fracassants", j'en retire énormément de choses différentes.
La première qui me vient à l'esprit, c'est l'accueil réservé au disque à sa sortie, et toutes les rencontres qui ont suivi. Les interviews étaient tout le temps différentes, les ressentis aussi, malgré le fait que les questions restaient souvent les mêmes, les gens ne me connaissant pas. Ca m'a permis de rencontrer plein de monde, d'échanger, de me sentir vraiment écouté tout en écoutant les autres.
Énormément de positif, contrebalancé par tout le cirque tournant autour de la création d'un groupe live à l'époque. Rien que louer un local de répétition c'était la croix et la bannière. On te propose de jouer à l'Olympia, et toi tu ne peux même pas répéter.
Je ne me suis pas senti à l'aise sur scène pour les premières dates, car j'avais vraiment du mal à garder l'envie de jouer ces morceaux déjà vieux pour moi, après avoir passé environ 2 ans à perpétuellement chercher à fonder un groupe pour la scène. De conflits en pertes de temps, je suis arrivé au moment du passage sur scène totalement rincé et engourdi émotionnellement, à ne plus me retrouver dans les chansons.
Partir en tournée Européenne avec Anathema pendant un mois non stop a été un souvenir inoubliable, et le groupe live a pris son pied, on en sourit rien que d'y repenser. Par contre, partir sur cette même tournée sans avoir pu répéter plus de trois fois pour cause de manque de moyens, de déménagements intempestifs, de membres du groupe éparpillés aux quatre coins de la France... ce n'était pas le résultat auquel je voulais aboutir sur scène. Ca nous a permis de faire découvrir la musique de Demians aux gens qui majoritairement ne nous connaissaient pas, nous avons évolué de soir en soir, et les échos ont été très bons. Mais j'étais déjà loin et souhaitais passer à la suite. Aussi bien un album qui me représenterait au moment où il sortirait, qu'une configuration live où je pourrai enfin m'exprimer correctement.
Donc voilà, je vois un peu "Mute" comme un nouveau premier album, dans un sens. Et je veux que sur scène, prochainement, le groupe fasse également ses vrais débuts. Et ça, tout le monde dans le groupe l'attend avec impatience!


[Chapitre II : L’étape de la composition]





Justement, ton deuxième album « Mute » sort à la fin du mois, as tu procédé de la même manière que « Building An Empire » pour composer et enregistrer ce nouvel opus ? Comment cela s’est il passé ?

Pour le premier album j'avais tout composé dans ma chambre, avec un casque sur les oreilles, en prenant soin à ce que personne ne m'entende.
Ce nouvel album a été entièrement composé et enregistré dans une maison loin de tout où je pouvais hurler à n'importe quelle heure, sans rendre de comptes à personne.
Je me suis enfin retrouvé seul pour la première fois depuis des années. J'avais passé trop de temps entouré en permanence pendant les trois années précédentes, et je pétais un plomb parce que j'ai besoin de cette intimité et de passer du temps pour moi.
J'ai aussi utilisé beaucoup d'instruments dont je n'avais jamais joué auparavant. J'ai pu aussi soigneusement sélectionner le matériel que j'utiliserai ainsi que les instruments, afin de n'avoir que le strict minimum mais que ça fonctionne parfaitement pour ce que je voulais en faire.
Donc j'ai procédé de la même manière pour l'écriture, en étant juste sincère et en cherchant des choses qui me parlent. Mais tout le reste a été fait tout à fait différemment, et je pense que le résultat s'entend et se ressent!


As-tu composé à l’aide de nombreux samples comme pour « Building An Empire » ou as-tu utilisé de vrais instruments, hors principaux, cette fois ci ? Je pense notamment à « Overhead » où on entend une sorte de tambourin et un violon sur des rythmes orientaux.

La chose qui m'a le plus dérangé quand "Building An Empire" est sorti, c'est que j'étais déjà à la recherche de quelque chose de radicalement différent au niveau du son. Sur ce disque, j'ai utilisé beaucoup de samples, un piano virtuel, la seule gratte avec laquelle je devais me débrouiller à l'époque, pas de possibilités d'expérimenter et de chercher mon propre son. Le seul but, vu les moyens inexistants, était de faire sonner l'album "correctement", ou "propre". Le résultat sonne "bien", hors pour "Mute" je voulais que le résultat sonne d'une façon très précise.
Sa construction a été faite de façon inverse. Je n'ai utilisé que les instruments que je voulais. Un vrai piano, pour enregistrer tout autant l'ambiance dans la pièce que le piano lui même. Les guitares, tout au long de l'album, sont enregistrées de manière naturelle, et sonnent sur le disque exactement comme elles sonnaient dans la pièce où les amplis étaient placés. J'ai passé du temps à choisir les bons micros, les bons placements pour que tout reste naturel. Je ne dénigre pas les samples ou la technologie, qui permettent à énormément de monde, et moi y compris pour mon premier album, d'avoir des outils à leur disposition pour faire découvrir leurs chansons.
Mais là c'était différent pour moi, car étant un amoureux du son, je voulais pouvoir expérimenter à ce niveau là également.
Sur "Overhead" par exemple, j'ai enregistré un vieil alto dont j'ai fait l'acquisition pendant la prod du disque. Un violoncelle, une contrebasse aussi sur "Porcelain". Mais aussi deux instruments dont je n'avais jamais joué avant et que je trouve passionants, le dilruba et le sarangi. Ce sont deux instruments indiens, qui racontent une histoire rien que de poser l'archet dessus. J'ai utilisé un derbuka, une tabla un peu pourrie, et un tom basse pour les percus au début de "Overhead". Il y a du kalimba, un instrument africain, sur "Porcelain". J'ai expérimenté avec les accordages des guitares sur une majorité des titres, comme par exemple "Rainbow Ruse" ou "Black Over Gold", qui me permettent de descendre très bas et en même temps de garder l'ouverture dans les aigus d'une guitare traditionnelle.
Disons qu'au lieu de m'adapter au (peu de) matériel dont je disposais comme pour le premier album, j'ai fait l'inverse, et je n'ai commencé la production du disque que lorsque toutes les conditions étaient réunies pour que je puisse enregistrer et garder la spontanéité. On entend sur ce disque exactement comment je sonne, et tout aussi bien les imperfections. C'est un disque organique, une ôde à l'être humain.


[Chapitre III : Les étiquettes, un fléau de journaliste ?]





Rock, metal, progressive… On hésite pas mal pour choisir les termes caractérisant le mieux ta musique. Comme tu es le mieux placé pour savoir, je te laisse mettre tes propres étiquettes (même si les artistes aiment pas trop ça) à « Building An Empire » et bien entendu ensuite à « Mute ».

Je pense justement que ça n'a absolument aucun intérêt, et que je ne suis pas mieux placé que quiconque. Ca en reviendrait à essayer de coller une étiquette sur ta personnalité.
Personnellement je suis majoritairement calme, et il m'arrive pourtant de ressentir des émotions violentes ou de m'énerver, alors je ne pourrai dire si je suis l'un plutôt que l'autre.
Tous mes groupes préférés ou mes artistes favoris, je serai incapable de leur coller une étiquette justement.
Je pense que ce n'est pas parce qu'on claque trois gros riffs de guitare sur un premier album que ça en fait du metal. Tout comme enregistrer des cordes ne fait pas de ma musique de la musique classique. Hors je pense qu'on a tendance à une peu trop interpréter les styles musicaux de cette manière là.
Tout comme on a tendance à systématiquement dire "c'est influencé par Pink Floyd" quand n'importe qui utilise un synthé, ou "c'est influencé par Opeth" quand tu mets une guitare acoustique dans un morceau. Je trouve ça assez déplorable.
"Temple" était un titre entièrement acoustique de 3 minutes, et pour moi il raconte autant de choses qu'un "Sand" électrique qui en faisait 16. Alors après, mettre une étiquette sur tout ça ne m'intéresse pas.


[Chapitre IV : L’heure du changement ?]





On peut apercevoir que le logo a subi un fort lifting pour « Mute ». Celui-ci subira t’il des changements à chaque nouvelle sortie ? Est-ce le souhait de marquer une réelle différence entre chaque album (musicalement parlant) ?

Il n'y avait pas de logo pour le premier album. Je voulais simplement inscrire le nom de Demians avec une typo simple et l'insérer dans un ensemble.
Je ne suis pas fan du système du logo, je trouve ça assez caricatural, et tu en viens vite à toujours adapter tes visuels en fonction du logo. Je préfère faire l'inverse, chaque album aura son identité graphique, et la typo fera partie d'un tout cohérent.
J'aime le fait que ce nouvel artwork tranche radicalement avec le visuel du premier album. J'aime également le fait que beaucoup de gens le trouvent intriguant et intéressant, alors que l'autre moitié le trouvent hideux. Cet album ne va pas se faire que des amis, je pense qu'il lui fallait un visuel approprié qui annonce la couleur direct. Et je pense que ceux qui n'auront pas accroché à ce visuel vont vite se faire une autre opinion quand ils auront l'objet sous les yeux.
Je ne voulais pas non plus reproduire l'esthétique naïve de "Building An Empire". La pochette collait bien au côté naif et figuratif de l'album, hors pour "Mute" il s'agit d'une toute autre chose, à la fois plus "iconographique" et directe qu'abstraite. Je préfère créer une ambiance plus libre autour de l'album, je vais préférer un choix de couleurs plutôt qu'une illustration qui aurait l'air de dire "hey ho, attention, voila mon message!".
Je n'aime pas par exemple le principe des livrets illustrés, avec une image pour chaque chanson. Les livrets illustrés me repoussent car j'ai l'impression que toutes les images que la chanson créerait dans ma tête seraient conditionnées par ce qu'une photo ou un dessin dans un livret pourrait décrire.
Le livret de "Mute" contient les paroles en donnant l'impression que ce sont des signaux de code morse, ce genre de choses me plaît, et en choisissant simplement une mise en page ou une couleur, on crée une ambiance sans mettre d'images figées dans la tête des gens.


J’avoue, j’aurais pu répondre à la question précédente puisque j’ai pû écouter l’album. Et je trouve que, clairement, ta musique a changé. Plus lourde, plus brute, et beaucoup plus directe, cet album va surprendre plus d’une personne. Comment expliques-tu ce changement ? Te bases-tu sur ton moral du moment pour donner une direction artistique à tes albums ?

Si tu me demandais mon avis sur la musique, je te dirai que je suis d'accord sur le fait qu'elle ai changé. Par contre je trouve que la musique a gagné en intensité et en contraste, pas seulement en punch ou en lourdeur. Les passages posés sont beaucoup plus assumés qu'avant. Écrire des choses comme "Black Over Gold" ou "Falling From The Sun", c'est la première fois que ça m'arrive. Je ne me suis pas senti obligé de me cacher derrière un mur du son, et je ne me suis pas non plus senti mal à l'aise de laisser juste un piano/voix nu comme ça. Je trouve que l'album part dans des directions beaucoup plus variées, j'aime que cet album soit clairement un album où les choix ont été faits, j'ai fait beaucoup de tri.
J'aime les groupes comme Radiohead qui font des choix assumés et sortent des disques de 45 minutes qui ne sont pas chiants une seule seconde. Ca va je trouve à l'inverse de la tendance actuelle, la self-indulgence latente chez beaucoup de groupes, qui nous assomment de double albums concept sur la vie des guerriers vikings ou sur la cuisson des tomates vapeur.
Je pense que le nouveau Demians va surprendre, mais que le suivant sera aussi surprenant si on s'attend à "Mute 2". Parce que je vais continuer de découvrir des choses, de ne pas avoir envie de me répéter, de voyager, et je vais continuer de faire évoluer ma musique avec moi.
Le premier album je l'ai écrit quand j'avais 22 ans, assis dans ma chambre tranquillement sans m'attendre à quoi que ce soit.
"Mute" a été crée dans un état d'urgence, s'est nourri de conflits, d'un instinct de survie, et en même temps de matins entiers à regarder défiler le paysage dans un bus de tournée, de rencontres qui m'ont permis de jouer live et d'avoir un vrai groupe pour ça. Le négatif a nourri les chansons pour aboutir à ce que j'ai créé de plus positif à ce jour.





Avec ces changements, on peut se dire que « Mute » représente un choix artistique risqué. Es-tu d’accord avec ça ou considères cet album comme une évolution naturelle au précédent ?

Je ne réfléchis pas à ça quand j'écris l'album, mais je pense que oui, l'album n'est pas assis confortablement dans la place qu'aurait pu lui chauffer "Building An Empire".
Les choses auraient été plus faciles pour me "catégoriser commercialement", si j'avais sorti une copie carbone du premier album, mais ça n'arrivera jamais.  


Tout compte fait, le titre « Mute » est à double sens. Le premier auquel on pense naturellement est celui qui se rapproche de la musique, l’aspect réglable du son (muet ou non). Mais on peut également se dire que ce terme provient du verbe muter, et qu’il représenterait une vraie volonté de changer. Ce double sens est il voulu ? Comment as-tu choisi ce titre ?

Le titre "Mute" n'est pas seulement à double sens. Il y a autant de sens différents que de gens qui l'écouteront.
Mais si tu me demandes mon interprétation à moi, dans ce cas, je voudrais juste préciser ce que je pense de ma façon de donner un titre à un album.
On réfléchit souvent, en tant qu'auditeur passionné de musique, en des termes comme "qu'est ce que l'auteur a bien pu vouloir dire?". Ou alors on pense que le titre ou les paroles se rapportent à lui. Mais la façon dont je vois mes titres, c'est que ce n'est pas important pour l'auditeur de savoir ce que j'ai dans la tête.
Je prends l'exemple de "Building An Empire". Avant la sortie du disque, je ne savais rien, quel accueil il aurait, s'il se vendrait, si les gens aimeraient ou détesteraient, ou pire s'ils y seraient indifférents. La seule chose dont j'étais déjà totalement certain, c'est que le titre de l'album diviserait l'opinion. Je savais que si quelqu'un restait en surface, il y avait des chances que ce soit interprété comme un titre totalement mégalo, prétentieux ou ridicule. Seulement je ne suis pas comme ça. Selon moi, quand tu écoutes un album, que ce soit de moi ou pas, ce sont tes images qui apparaissent dans ta tête. Ce sont tes souvenirs, tes douleurs, tes rêves de gamin ou tes émotions. Et moi quand tu écoutes cet album, je n'ai plus rien à voir là dedans! Je ne suis pas en train de te raconter ma vie dans une chanson, la chanson te raconte en quelque sorte la tienne!

J'adore Maynard James Keenan, mais la dernière chose que j'aurai envie de lui demander ce serait "qu'as-tu voulu dire avec ce titre ou ces paroles?". Je me fous de Maynard quand j'écoute la chanson, elle devient mon histoire!
Si tu trouves de la beauté dans une chanson, ce n'est pas la chanson ni moi qui créons cette beauté. Cette beauté existait déjà à l'intérieur de toi et la chanson l'a juste réveillée.
Du coup, "Building An Empire" prend un tout autre sens. Ca devient ton envie, de faire de ton mieux et de créer ton monde, de prendre ta vie en main!
Alors j'étais conscient de cette dualité du titre, et de cette possible double interprétation. Mais je me suis dit que du coup, c'était parfait. Si quelqu'un veut trouver le titre prétentieux, et bien qu'il le fasse! Je m'en contrefous, il ne me connait pas!
Il faut faire le tri, comme dans la vie, je ne cherche pas à plaire à tout le monde, ou à ce qu'on "comprenne" ce que je veux dire.

"Mute" est venu de la même réflexion, et je savais qu'il aurait cette même dualité. De mon point de vue personnel, c'est lié à ma façon d'entamer l'écriture de cet album: me couper du monde, et me rendre muet pendant le temps qu'il faudrait. Mais surtout, du côté de l'auditeur, c'est une volonté de couper le son du monde extérieur, ne plus faire attention à tout ce débit d'informations particulièrement énorme et souvent non vérifiable auquel on a droit dans le monde d'aujourd'hui, la propagande à laquelle on a droit tous les jours et que j'assimile souvent à du bruit. Coupez ce bruit, faites le tri, et essayez de capter plutôt les signaux forts, les gens valables et les expériences sincères qui vous apporteront quelque chose.


Aucuns titres sur « Mute » ne dépassent les 10 minutes. L’expérience « Sand » est ses 16 minutes t’a-t-elle déçu au final pour que tu ne reviennent pas, sur une composition, à ce type de longueur ? Ou est-ce tout simplement, parce qu’aucuns des titres de « Mute » ne s’y prêtaient ?

Aucun titre ne s'y prêtait.
Si je reviens sur "Building An Empire", je voudrais préciser que cet album a été fait dans des conditions vraiment particulières. Placer un morceau de 16 minutes sur un premier album, forcément ça attire l'attention, et beaucoup de gens ont focalisé sur la durée de ce titre. Pour moi, ce titre ne se limite pas à une durée.
Je trouve ça dommage, c'est comme quand tu as un guest de renommée sur un disque, au final les gens ne parlent plus que de ça.
Tous les titres de l'album ont été composés en 2002, sauf "Sand" qui date de fin 2007. A un moment donné, été 2007, l'album était prêt, je pouvais le donner à la maison de disques, mais je m'en étais déjà tellement éloigné que quelque chose n'allait pas. Je sentais que j'avais besoin de m'en sentir plus proche si je voulais le respecter à sa sortie, et j'ai choisi de ne pas le sortir pour l'instant. Automne 2007, "Sand" est apparu. C'était à un moment assez compliqué de ma vie, où j'avais tellement déménagé, bougé, dû faire des sacrifices, que je n'avais même plus de quoi travailler correctement et enregistrer ce nouveau morceau.
Je me suis débrouillé pour trouver un peu de matériel pour enregistrer, mon pote LePolair m'a aidé, et le morceau est sorti comme ça. Je le vois comme un EP dans l'album. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi long, et honnêtement, je sais que par exemple la fin du titre à divisé l'opinion, certains trouvant que ça trainait en longueur et d'autres que ça apportait en intensité à l'album entier. Et bien tout simplement, pour moi à l'époque, les 4 dernières minutes de "Sand" étaient les 4 minutes que je préférais de tout ce que j'avais pu écrire jusque là. J'avais besoin de raconter ce voyage, il se trouve que ça prend 16 minutes sur l'album, et bien voila, c'est tout. Je n'ai pas voulu faire un morceau long pour faire parler de moi. Je n'ai pas cherché à faire ce que j'appellerai un "passage obligé" sur un album de progressif, tout comme je n'ai jamais prétendu faire du rock progressif. "Sand" n'était que ma recherche d'emphase, d'ambiances, chercher à ouvrir des portes sur ce que je pourrai faire par la suite.
Je l'ai fait, c'est bien, je suis content du résultat. Mais par rapport à mes goûts personnels quand j'écoute ou joue de la musique, je tiens à rester éloigné de ce type de formats. Ca ne me passionne pas, ne m'apporte rien, et je préfère me concentrer sur des idées fortes et affirmées. Sur "Falling From The Sun", je joue trois accords de piano. Je peux vous garantir que ces trois accords de piano, résonants dans la pièce quand je les ai composés, m'ont laissé rêveur encore plusieurs heures après. Donc voilà, le morceau fait à peine 4 minutes, et je trouve qu'il en dit long émotionnellement, sans avoir besoin d'en rajouter.

Donc tout simplement pour répondre à ta question, "Sand" n'était qu'une étape, pour moi ce morceau ne doit pas être résumé à sa durée, et les autres titres longs de l'album je les trouve peut-être longs parce qu'ils manquaient parfois de choix. Ce n'est pas ce dont j'ai envie maintenant, et je me réserve le droit à l'avenir d'écrire des morceaux plus longs à nouveaux si je pense qu'ils sont pertinents.


[Chapitre V : Voix, textes et émotions, un trio gagnant]





Les paroles de « Mute » relatent t’elles tes sentiments, tes envies, tes positions sur des sujets de société (compositions autobiographiques) ? Peux-tu nous décrire un peu les sujets qui seront développés dans ce nouvel album ? Es tu de ces artistes engagés, prônant des messages dans leurs chansons, ou essayes-tu de rester un maximum objectif ?

Je trouve que les artistes les plus engagés sont ceux qui ne se prétendent pas engagés. D'une certaine manière, je pense que le seul message que je puisse transmettre aux gens en faisant ma musique, c'est de se respecter eux mêmes, de prendre du temps pour eux et d'oser aller au bout de leurs idées. Ca m'emmerde royalement quand un chanteur essaye de me dire pour qui je dois voter ou quelle cause je dois défendre. Et ne confondez pas ça avec de l'égoïsme. Je fais une différence gigantesque entre ne penser qu'à soi, et prendre du temps pour soi et essayer de se découvrir, de se connaître intérieurement.
Un sujet qui m'obsède... enfin qui m'intéresse plus particulièrement... c'est justement ce rapport entre ce que les gens sont et ce qu'ils laissent voir, la communication et les interactions entre les gens. Je trouve ça incroyablement intéressant à observer.
Je vias prendre l'exemple de la chanson "Rainbow Ruse", qui est née d'une réaction directe à des évènements et des discours précis:
Quand tu sors un album et que tu es exposé, on parle de toi sans te connaître. Dans le cadre d'un groupe ça passe facilement, quand tu es seul à défendre ton projet, on se retrouve vite à entendre des extrêmes. On te présente tout d'abord comme un génie qui sent la lavande, puis quelque temps plus tard comme une sous-merde qui est la cause de tous les malheurs de l'humanité. Ca t'inspire simplement de regarder les choses de loin... Et quand au final tu ne te reconnais dans aucun de ces deux portraits, et que tu remets toute la crédibilité de ces discours en cause, ça t'inspire forcément de prendre du temps pour toi pour apprendre à te reconnaître, ne pas laisser le jugement des autres décider de ton attitude. "Rainbow Ruse" est une chanson très puissante et lourde qui est la réponse directe de Demians à toutes les propagandes auxquelles tu peux être confronté quand les gens en face ne te connaissent pas mais essayent de profiter de toi. C'est né d'un sujet personnel, mais au final ça s'applique à tous les gens qui veulent essayer de créer quelque chose et de croire en eux.
Je n'aime pas me montrer aussi, je n'aime pas le cirque qui tourne autour de ça, je n'aime pas attirer l'attention sur moi. Alors quand tu sors un disque que tu as fait tout seul, il faut te faire une raison, sinon c'est mort pour toi...... Ca m'intéresse de parler de mes chansons, mais pas de parler de moi, hors beaucoup de questions tournent autour de ça. Ca a dû influencer aussi beaucoup les thèmes des paroles, je pense.


Vocalement, on sent que tu as voulu apporter, sur certaines compositions, un peu plus d’agressivité dans ton chant avec notamment quelques cris terriblement prenants. As-tu travaillé ta voix pendant cette période de 2 ans ? Le choix d’être le propre interprète de ton projet a t’il été une évidence ou as tu déjà pensé à prendre quelqu’un d’autre ?

Je ne sais pas si agressivité est le terme approprié. Le côté plus direct et rentre dedans est évidement là par moments, mais globalement j'y entends plus de la fragilité ou parfois de la confiance, plus que de l'agressivité. Mais je parle certainement plus d'un point de vue émotionnel. Je n'ai pas travaillé ma voix, même si chanter tous les soirs en tournée a sûrement contribué à lui donner un grain plus abrasif, et à me permettre d'être ensuite plus spontané dans mes interprétations.
Je ne suis pas quelqu'un qui travaille son jeu ou sa voix ou un instrument en particulier, à part prendre soin de ma voix en tournée. Du coup j'ai abordé l'utilisation de ma voix sur cet album comme n'importe quel instrument.
Le choix d'être le propre interprète de mon projet est aussi naturel que n'importe quel autre choix personnel.


En découle ma question suivante, pourquoi avoir fait le choix d’homme-orchestre ? Penses-tu comme le dicton : on n’est jamais mieux servi par soi-même ? As-tu eu du coup des difficultés à trouver des musiciens pour monter sur scène et retranscrire les mêmes émotions que toi seul mets en avant en studio ?

En fait je ne m'identifie pas à l'appellation d'homme orchestre. Mon but avec Demians était de créer des chansons, sans avoir à attendre après qui que ce soit, sans devoir rendre des comptes à des cons comme il pouvait y en avoir dans mes anciens groupes, et sans me poser de barrières.
Je suis particulièrement bidon dans certains instruments, et je les utilise à ma manière parce que seule m'intéresse la chanson au final.
Franchement, le reste je ne comprends pas, et je pense qu'il viendra certainement un temps où on arrêtera le blabla sur l'homme-orchestre, one-man-band ou je ne sais quoi, pour qu'on écoute les chansons comme si c'était joué par un groupe.
En fait, je vais être honnête, quand quelqu'un me dit qu'il ne se serait pas douté que c'est un seul gars qui joue dans l'album si ça n'avait pas été écrit dans une biographie ou un dossier de presse, et bien c'est peut-être le meilleur compliment du monde!

Donc ce choix finalement s'est fait aussi simplement que ça. C'est un peu comme si je demandais aux gens "mais pourquoi avoir fait le choix de faire l'amour à ta petite amie au lieu de faire appel à quelqu'un d'autre?".
Tout le glamour, les conflits et le temps perdu à attendre après un groupe ne m'intéressent pas. Il n'y a qu'à aller faire un tour sur n'importe quel site de musiciens sur internet. Tu y trouveras des centaines de musiciens talentueux et passionnés qui ont simplement renoncé à leurs projets parce qu'ils étaient fatigués du bordel qu'est la vie dans la plupart des groupes. Tu peux vite être dépendant du manque de volonté des autres, de leur manque d'ambitions, de leur manque d'implication. Et c'est terrible parce qu'à un moment donné ça t'attaque au moral et ronge ta passion.
J'ai déjà eu droit à ça, et j'ai atteint mon point de non retour.

J'ai deux invités sur l'album par contre. Pol Desmurs, qui est un musicien dont le projet LePolair est une musique électronique vraiment chaleureuse et humaine, est devenu un excellent ami et nous voulions depuis longtemps collaborer sur de la musique ensemble. J'avais terminé ce que je voulais sur "Porcelain", et je voulais qu'il vienne quelques jours à la maison pour s'exprimer sur le morceau et qu'on essaie de voir où on pourrait l'emmener à deux. Je savais ce que je voulais, comment le guider, mais il a pu s'y retrouver et s'exprimer. Ca s'est passé naturellement parce qu'on se respecte mutuellement et que lui de son côté porte également la plus grande attention à son propre projet et sait ce que c'est que d'impliquer des gens. Donc voilà pour moi comment les choses doivent se passer. Sans heurts, sans qu'on y recherche un intérêt autre que musical. Avec tous les gens qui ont recherché autre chose avec moi, ça n'a pas fonctionné.
Idem, mon batteur, Gaël, qui joue dans Demians depuis bientôt deux ans et qui est devenu l'une des personnes en qui j'ai le plus confiance. Il est venu jouer un duo de batterie sur deux morceaux, et on s'est vraiment fait plaisir à le faire, ça a vraiment apporté aux morceaux. Voilà le genre de collaborations dont j'ai besoin. Pas de musiciens, pas d'arrogance, pas de leçons de morale, mais juste des gens qui ont autant envie d'apprendre que d'apporter des choses.

Pour la scène, ça a pris des années pour trouver du monde, c'est juste la pire chose possible que de chercher des gens et de se heurter à plein de barrières. Mais ça m'a appris à être plus sélectif, plus confiant, et je pense que ça m'a même encore réconforté dans ma décision de travailler seul en studio.





En parlant d’émotions, j’ai été personnellement touché par la piste qui clôture l’album « Falling from the Sun ». Sur tes albums, travailles tu toutes ces émotions en réfléchissant au meilleurs moyens pour que les auditeurs se les approprient ou sont elles spontanées et en quelque sorte égoïstes ?

Elles ne sont ni égoïstes ni réfléchies.
On me donne beaucoup trop de crédit parfois, bien souvent je n'ai aucune idée de ce que je fais au moment où je le fais. Alors je ne pense jamais à l'auditeur, je pense juste à regarder mes bras, et si la chair de poule apparait c'est que la chanson aura sûrement sa place sur l'album.
Alors tu me parles de "Falling From The Sun" et forcément ça me parle, parce que c'est de ce morceau qu'est né l'album. De tous les titres, à part "Feel Alive" que j'ai composé juste avant de partir en tournée avec Anathema, "Falling From The Sun" est le tout premier titre que j'ai composé au moment où j'ai choisi de faire ce nouvel album.
Cette chanson, c'est en quelque sorte mon ôde à la musique. Ma musique m'avait apporté énormément de choses que la réalité d'un projet comme celui là a commencé à progressivement m'enlever. L'envie a disparu progressivement en même temps que la motivation, l'argent, le temps, la confiance, et toutes ces choses nécessaires à la création d'un projet que tu veux emmener sur les routes en tournée. A un moment donné je ne jouais même plus de musique ou presque, car tout le reste me pompait trop de temps.
"Falling From The Sun", c'est une chanson que j'ai écrit en m'adressant à cette musique pour lui demander où elle était passée, pourquoi elle s'était en allée comme ça sans que je m'en rende compte, et c'est ma façon de faire la paix et d'essayer de la retrouver.
Toutes les autres chansons sont venues très vite après ça, beaucoup d'idées, d'expérimentations, puis de choix. J'ai travaillé environ une quarantaine d'idées, enregistré une vingtaine, terminé et mixé dix titres, pour en garder neuf dans l'album final. Je voulais des choix, du tri, des décisions marquées, ce qui n'était pas le cas du premier album. "Mute" a gagné en caractère, et c'est uniquement maintenant que l'auditeur entre en ligne de compte, maintenant qu'il va pouvoir boucler la boucle en me renvoyant ce qu'il aura trouvé dans ces chansons une fois écoutées.


[Chapitre VI : Amis = Influence ? ]





Les dires de Steven Wilson et d’Anathema ont été un excellent soutient pour « Building An Empire ». Ont ils, en quelques sortes,  contribué à la sortie de « Mute ». Je veux dire par là, est ce que « Mute » aurait vu le jour si « Building An Empire » n’avait pas eu la même résonance ?

Non les dires de Steven ou d'Anathema n'ont eu aucune incidence sur la création de "Mute".
Leur soutien est cool, ces gens là sont devenus des amis et des gens avec qui j'aimerai repartir en tournée. Ils connaissent mon opinion sur leur musique, je connais la leur, et l'important c'est surtout que chacun respecte autant la démarche des autres. Steven et moi avons deux façons de travailler radicalement différentes. Anathema ont une façon de travailler encore différente. Et ca ne nous empêche pas d'avoir beaucoup de choses en commun humainement qui nous poussent à nous soutenir les uns les autres, à divers degrés.
Donc je n'essaie pas de jouer sur les mots, je veux juste préciser que les expériences partagées avec ces gens là humainement ont contribué à mon vécu personnel, mais que leurs directions musicales ne sont pas celles que je souhaite emprunter.

Quant à "Mute", il est parfois même une réaction à l'album précédent. Par exemple je ne voulais pas du tout utiliser de samples sur celui-ci parce que j'en ai eu ma claque avec l'album précédent. Je ne voulais pas le sortir non plus 6 mois ou un an après sa création, donc le sentiment d'urgence et d'immédiateté qu'on ressent dans l'album vient de ce fait là. Le son, les choix, la performance, beaucoup de choses sont liées à ce que "Building An Empire" a provoqué dans ma vie d'une manière ou d'une autre.
"Mute" c'est un peu l'album qui a envie de secouer "Building An Empire" en lui disant de se réveiller un peu et de se bouger le cul.


As-tu gardé des contacts avec ces 2 artistes ? Serait-il possible de revoir Demians en tournée avec l’un d’entre eux ? Ou même collaborer ensemble pour une ou plusieurs compositions ?

J'ai gardé contact, plus ou moins, chacun est très occupé de son côté. En tous cas nous gardons de très bonnes relations et nous nous reverrons. Vinnie est quelqu'un que j'aimerai inviter sur un titre, par exemple, ou jouer des titres ensemble en live ou en studio. Je l'apprécie à la fois en tant que musicien que comme être humain, nous avons beaucoup de points communs et savons aussi respecter nos différences. Je pense que ça pourrait arriver un jour de faire de la musique ensemble, ce serait un grand plaisir en tous cas!
Mais bref, je n'aime pas songer à ces choses là parce que je préfère laisser les choses arriver. J'ai la bougeotte, j'ai du mal à me poser à un endroit, donc on verra comment les choses évolueront.


Es tu influencé par n’importe quel artiste que ce soit ? Les premiers venant à l’esprit, en écoutant Demians, sont Porcupine Tree, Anathema et Opeth (le dernier se sentant beaucoup plus sur « Mute » que sur « Building An Empire). En as-tu marre que les gens te comparent à ces derniers ou est ce légitime ?

Ca m'arrive d'en avoir marre. On ne me cite ces groupes que dans certaines interviews, uniquement dans la sphère metal.
Ca m'énerve parce que pendant ce temps là je ne parle pas de tous les groupes que j'écoute et qui m'ont réellement influencé.

Alors je précise que j'ai déjà rencontré les membres de tous ces groupes, et je garde même d'excellents contacts avec certains d'entre eux, mais que je ne suis absolument pas influencé par eux.
Par exemple, si tu ressens plus l'influence de Opeth sur "Mute", c'est peut être juste parce que tu aimes Opeth. Et que tu les écoutes. Je pourrai trouver ça cool qu'on dise que "ça peut faire penser à Opeth", ou ce genre de choses, parce que Opeth est un groupe avec des gens de talent.
Mais dire qu'il y a eu une influence, ce n'est absolument pas le cas, et ça me dérange.
Je n'écoute pas la musique d'Opeth, c'est simplement une question de goûts. J'aime "Stupid Dream" et "Lightbulb Sun" de Porcupine Tree, ce sont de bons albums, à part ça je ne suis pas fan. Je n'ai pas écouté les derniers albums en entier, ce n'est pas ma tasse de thé. La musique de Steven qui me parlerait vraiment serait son projet Bass Communion, ou aussi Continuum avec Dirk Serries. A part ça, je ne suis pas fan.
Pour Anathema, j'aime "Alternative 4", "A Fine Day To Exit" est un excellent album, et j'aime les choix personnels qu'ont fait les membres du groupes ces dernières années. Mais de même, le groupe n'influence pas ma musique.

Voilà, je pense que les gens qui aiment ces groupes peuvent trouver des choses en commun avec ma musique. C'est respectable, et même parfois compréhensible si ils veulent, mais ces influences n'existent pas. Ca surprend parfois les gens quand je dis ça, c'est parfois perçu comme de l'arrogance, mais je m'en fous, je préfère être clair, et chacun peut écouter les artistes qu'il veut. En l'occurrence dans mon cas, ce sera Mark Lanegan, Neurosis, Radiohead, Alva Noto, Chris Clark ou UNKLE. Que ça se ressente dans ma musique, c'est une autre histoire.


Porcupine Tree et Transatlantic ont articulé leur dernier album autour d’un seul et même titre, respectivement de 55 et 78 minutes. Que penses tu de ce genre de procédé ?

Ca m'ennuie profondément. Encore une fois je ne veux heurter personne, je respecte les artistes qui font ce qu'ils veulent. Mais je n'ai jamais écouté un album de ce genre qui arrive à me tirer la moindre émotion, j'ai envie de zapper au bout de trois titres et de me passer un album de black metal norvégien à la place.

Penses tu que cela tient plus à des fins commerciales qu’autres choses ?

Encore une fois je ne suis pas là pour juger les intentions des artistes qui font ce genre de disques. S'ils aiment, qu'ils le fassent, et qu'ils le fassent à fond! C'est juste que je ne connais pas un seul album qui soit conçu selon ce système qui m'ai plû. D'ailleurs je ne pense pas être assez calé sur la scène progressive en général pour émettre un avis pertinent sur le sujet, même si j'ai l'impression que le "concept album" est un passage "obligé" pour tous ces groupes. Obligé par qui, je ne sais pas.
Quant aux deux groupes que tu mentionnes, j'ai décroché de Porcupine Tree quand "Deadwing" est sorti, et pour Transatlantic je n'ai jamais passé le cap de la pochette.

Demians pourrait il composer, un jour, un album suivant ce système ?

Je ne suis pas attiré par les "systèmes" de composition ou les schémas de construction d'album, en fait. Je n'aime pas penser à ces choses là, je trouve que ça nuit à la spontanéité d'un projet. Encore une fois ce n'est que mon avis.
Je voudrais développer un peu mon opinion sur ce sujet. La situation à laquelle je suis souvent confronté, c'est qu'on me pose un tas de questions sur le rock progressif, les concept albums, etc... Hors, ça surprend peut-être les gens, mais c'est un registre que je n'écoute jamais, et qui ne me remue pas. L'esthétique musicale utilisée ne m'attire pas. Principalement parce que je ressens toujours la même chose à l'écoute, une sensation d'être en permanence guidé. Je fais partie de ces gens qui n'aiment pas savoir, à la fin d'un film. Passer deux heures à regarder un film pour qu'on me serve une fin d'histoire parfaitement digérable au final, ça ne me parle pas. Je préfère ne rien "savoir", laisser mon imagination se balader pendant des heures après un film qui m'aura marqué. Et bien en musique, c'est la même chose.
Un concept, avec des personnages, des situations expliquées, et puis même carrément des fois les notes explicatives de l'auteur qui s'étalent sur 6 pages dans le livret... Je n'y arrive pas, et je ne connais aucun album concept qui ne me procure pas cette impression de conduire une voiture d'auto-école. C'est pas vraiment toi qui freine, pas vraiment toi qui accélère, pas vraiment toi qui décide.
Donc je m'égare un peu, mais ce que j'aime quand j'écris ma musique c'est que chaque chanson se suffit à elle-même, n'a pas besoin d'être expliquée ou replacée dans un contexte autre que celui qui est dans ta tête. Les choix de tracklist se font au ressenti, tout se décide très vite, et je n'aime pas guider l'auditeur, il est assez grand pour se guider lui même.
Par exemple, il y avait un titre du premier album qui s'appelle "Earth", que j'ai choisi de virer de la tracklist au final, parce que même s'il n'était pas lié au reste de l'album parce que ce n'est ni une histoire ni un concept, et bien il donnait une couleur "concept" parce que certaines paroles étaient tirées d'autres titres. J'ai choisi de le virer de la tracklist, mais je trouvais quand même le morceau cool, et j'ai préféré le mettre un bonus track parce que ça valait le coup que les gens puissent l'écouter quand même. Hors contexte.
Bref, tout ça pour te dire que justement, mes choix sont même parfois guidés à l'inverse de quelque chose qui donnerait un "sens", pour "Earth" je me suis dit direct une fois terminé que ce titre pousserait les gens à trop chercher un sens là où il n'y a pas besoin d'en avoir. C'est tout ce qui me barbe dans le rock progressif.


[Chapitre VII : Recueil personnel]





Sur tes deux albums, quelle chanson a été le plus difficile à composer pour toi d’un point de vue musical d’abord et ensuite d’un point de vue émotionnel ?

Sans hésiter "Sand".
La production de ce morceau est vite devenue une gigantesque blague.
Elle a été difficile à arranger et à enregistrer parce que ma vie était juste un chaos complet à ce moment là.
J'étais dans une ville qui ne me plaisait pas, je n'avais plus rien à moi, je devais me débrouiller avec deux pauvres micros, des samples, une guitare, et un ordi qui ne fonctionnait jamais correctement.
Je n'avais pas un rond. Je n'avais pas de local pour enregistrer, obligé de faire avec le bon vouloir de quelques amis qui m'aidaient comme ils le pouvaient pour que je puisse trouver des endroits pour essayer de travailler sur le titre.
Remy qui faisait le mix de l'album à l'époque a aussi fait un gros boulot, surtout de soutien moral pour que je puisse avoir un peu d'objectivité sur le bordel dans lequel je me lançais. Il faut juste se dire qu'on avait fini de mixer l'album, mais que j'avais choisi de virer 3 morceaux pour en écrire un nouveau, "Sand", et le mettre à leur place.
Je ne pouvais pas utiliser de vrais instruments la plupart du temps en le composant, ce qui du coup relevait du casse tête parce que je perds mon calme au bout de dix minutes quand je dois travailler sur informatique. Du coup toutes les orchestrations de ce titre sont pour beaucoup basées sur des samples et des claviers, ce qui je trouve ne m'a pas permis de retranscrire les orchestrations que j'avais dans la tête. Bref, sans tomber dans un misérabilisme inapproprié, ça aurait pu tout à fait partir totalement en vrille, comme l'avion dont je parle dans le morceau.

Je suis quand même très content d'avoir pu m'exprimer sur ce titre, que le résultat sonne plutôt pas mal au final, et que ce titre soit sur l'album. Ca m'a permis de garder au moins un lien émotionnel fort avec un des titres du disque au moment de sa sortie.
Dans ce titre, je vois beaucoup de souvenirs, je vois aussi le début de quelque chose, et peut être même quelques présages et pressentiments de ce qui allait se passer lors de la sortie de l'album, en bien comme en mal.
Si je n'avais pas terminé ce morceau, je n'aurai probablement pas terminé l'album. Et ça, si vous saviez à quel point ça s'est joué à rien, que cet album n'existe jamais...


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QUESTIONS DE FIN


[Chapitre VIII : Il n’y a pas que la musique dans la vie…]


Si tu devais faire « Mute » sur un des instruments principaux (guitares, chant, basse, batterie, clavier), lequel choisirais tu d’enlever et pourquoi ?

Ma voix.
Parce que c'est ma voix.


Si tu devais signer la bande originale d’un film, lequel serait-ce ? Quel long métrage représenterait le plus la musique de Demians ?

"Where The Wild Things Are" (ndd : "Max et les maximonstres" en français).


Si tu devais choisir un personnage de Walt Disney pour figurer sur ton prochain album, lequel choisirais-tu et à quel instrument ?

Je choisis Mickey. Comme ça je l'invite à passer à la maison, et une fois la porte franchie, je le bâillonne et le ligote. Une souris qui sourie tout le temps, même quand elle se prend des châtaignes par Donald, j'ai toujours trouvé ça louche.





Aimes tu les lasagnes ?

Quand c'est Shiriu qui invite, tout le monde aime les lasagnes.


Question traditionnelle chez Heavylaw : imagine que tu tombes sur une très vieille lampe, d’où s’échappe le génie d’Aladdin. Il consent à exaucer deux de tes vœux, lesquels seraient-ils ?

Je lui dirai que si il est vraiment le génie de la lampe magique d'Aladdin, c'est trois voeux et non deux qu'il doit exaucer. Alors qu'il n'essaie pas de me carotter, c'est trois voeux ou rien!

Vœux n°1 :  qu'on arrête de prendre les gens pour des andouilles en me faisant passer pour un prodige.

Vœux n°2 : que ma bande de Demians reparte en tournée très vite parce qu'ils commencent à me manquer, et si possible impliquer Anathema à un moment ou à un autre parce que tourner avec eux c'est une colonie de vacances.

Vœux n°3 : qu'on arrête de mettre "prog" ou "metal prog" à côté du nom d'un album de Demians, c'est de la publicité mensongère.


Pour finir, je te soumets à un exercice très difficile : tu dois en cinq lignes maximales, donner envie aux lecteurs d'Heavylaw d'acheter "Mute". Vas-y !

De l'envie, il y en a assez pour tout le monde dans les neuf chansons qui les attendent dans l'album. Ca vaut tous les encarts publicitaires de cinq lignes du monde.


Je te remercie beaucoup pour avoir accepté » de répondre à ces questions et j’espère que tu continueras longtemps à nous faire partager ta musique enivrante, percutante et que l’on sent véritablement sincère. Je te laisse le mot de la fin et si tu as une question à laquelle tu veux répondre et dont je ne t’ai pas posé, n’hésite pas.

Aimez le disque ou détestez le, mais écoutez le.
Si vous l'écoutez, achetez le.
Achetez le, ça servira à en faire un autre.
Et à emmener des gens en tournée aussi.
Pas à engraisser un producteur déjà obèse qui n'a pas besoin de votre argent.

Et essayez de faire fondre le cheddar sur le steak, quand vous vous faites un burger. Vivement recommandé.

Ah, et lisez entre les lignes...


Merci encore.

Merci à toi.


0 Comments 01 juin 2010
Whysy

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