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Les suites d’albums plus ou moins mythiques sont devenues ces dernières années tellement pléthoriques qu’elles pourraient constituer un genre à part entière. L’intérêt de ce genre de projet étant pour l’instant des plus mitigés car les motivations inhérentes à cette démarche relèvent autant de fondements artistiques honorables (suite à une histoire particulièrement aboutie, volonté de repuiser son inspiration dans le passé...) que de basses préoccupations matérielles. Après les récents Land of the Free part II, les Keeper of the seven keys the Legacy Part III , c’est au tour de Royal Hunt de se lancer dans ce pari hasardeux dans lequel se sont lancés les groupes les plus installés.
Les chasseurs royaux ont décidé après la sortie du remarquable Paper Blood en 2005 de rouvrir le concept de Paradox, sommet artistique jusque là inégalé du groupe qui proposait, sous une approche très théâtrale et émouvante de reconsidérer la relation des hommes face à Dieu . Le groupe parviendra-t-il à ressuciter les mânes grandioses et tourmentées de Paradox ? Quelle vision nouvelle peut livrer son mentor André Andersen sur ce XXI ième siècle très hésitant qui, selon Malraux « sera spirituel ou il ne sera pas » ? Après tous les bouleversements que le monde du métal a connu ses dix dernières années, existe-t-il encore une place pour un Hard rock mélodique poétique et réfléchi ?

Le concept de Collision Course n’a pas à rougir de son prédécesseur tant il en est le prolongement naturel, les interrogations soulevées dans la première partie sont juste actualisées et renouvelées par ce deuxième volet. Le lien opéré entre les deux segments de ce dyptique sont mêmes soulignés par des références en forme de clin d’œil dans le titre introductif Principles of Paradox (avec la mélodie de The Awakening) et à Long way home dans le morceau final Chaos AC.
Le choc intimiste et très intérieur entre l’homme et Dieu laisse simplement la place au choc global des religions qui tout en se divisant se ressemblent beaucoup par leurs secrets (The First Rock) leur rivalité, leur affrontement (Divide and Reign qui se termine des détonations guerrières, riff martial du si explicite Chaos AD qui conclut le disque, Hostile Breed) et leurs pratiques manipulatoires ( quelle impression saisissante envahit l’auditeur à l’écoute de l’introduction d’Hostile Breed où les incantations d’un imam sont reprises par une foule fervente et docile, effrayante manifestation de la facilité avec laquelle les hommes abdiquent leur libre arbitre au nom du divin). Une fois encore l’approche textuelle laisse les portes ouvertes à toutes les interprétations et l’auditeur ne peut qu’osciller entre une réflexion désabusée sur les superstitions religieuses (variante très humaines de la maxime bonapartiste : « Les religions se valent toutes car elles ne valent rien ») et une admiration irrationnelle face à la grandeur de l’essence divine. Que Sainte Clotilde me fasse du pain perdu si, amis lecteurs, on tient du lourd !

La musique est-elle à la hauteur de ce concept ambitieux ?? Alors là, on peut dire que Royal Hunt nous a gâtés. Dès les premières écoutes, la touche mélodique si personnelle du groupe danois est manifeste mais l’intensité des compositions confère une grandiloquence majestueuse et inaccoutumée aux morceaux. Le nouveau chanteur Mark Boals (est-il nécessaire de le présenter ??) appose sa magnifique voix qui épouse divinement l’univers musical du groupe. Digne successeur des énormes Henrik Brockman, DC Cooper et John West (le groupe a toujours su s’attirer des voix talentueuses) il confère aux titres des tonalités limpides, célestes, doucereuses ou hargneuses (ah ce « and every niiiiiight » sur The First Rock ) relayées par des chœurs olympiens omniprésents sur tous les titres, et ce pour notre plus grand bonheur.

André Andersen, claviériste leader incontesté du groupe s’est littéralement déchaîné tant il est au sommet de son inspiration. Les titres sont véritablement merveilleux notamment pour l’enchaînement imparable des trois premiers morceaux qui succèdent à The Principles of Paradox où le piano et le violon se marient avec une douceur aérienne avant qu’une accélération soudaine débute véritablement le disque. Mais quelle magie se dégagent des fabuleux The First Rock, Exit Wound et Divide Reign !! Des titres ultra mélodiques et contrastés (break multiples, accordéon sur Exit wound qui s’enflamme sur le final) où Martin Jidell révèle tout son talent (ah ce solo sur The First Rock !!) alors que les mélodies néo classiques entêtantes dans la plus pure tradition andersenienne imprègnent de toute leur classe cette entame d’album si majestueuse. Mais ce n’est pas tout, amis lecteurs, après un intermède mid tempo High Noon at the Batlefield caractérisé par de splendides passages acoustiques très Hard FM (ah Andersen ne peut s’en empêcher de caser un titre de ce genre sur tous ses albums :) ) qui s’emporte comme pour permettre à Boals de livrer un réquisitoire plus vindicatif avant un retour au calme qui cède peu la place à un intermède parlé très explicite martelé sur le début hypnotique de l’introduction de The Clan. Les deux titres ainsi emboîtés rappellent clairement le passage de River of Pain à Teaaaaaaaaaring Dow the world (arf quel titre (l) ) sur la première mouture de Paradox. Néanmoins, ce n'est pas un cas particulier car l’ensemble des morceaux se répond dans un enchaînement très fluide et naturel qui donne toute sa vigueur conceptuelle à cette progression mélodique. Et à partir de ce titre, tous mes sens se confondent, mes sensations se métamorphosent en délire extatique, des frissons parcourent mon corps tellement les titres atteignent la perfection mélodique de ce que peut proposer Royal Hunt:
Des refrains hallucinants ( The clan, des soli super efficaces de Jidell et d’Andersen (The Clan, Blood in Blood out, Tears of the sun) des breaks riches et variés, des ambiances orientales (Hostile breed, Blood in Blood out) et des fins d’anthologie sur Chaos AD et encore une fois Hostile breed!!!

Nom mais quel festival, quel florilège de hits, de titres imparables qui rejoignent les Fear, Long way home, tearing down, Flight.. surtout que l'un d'entre eux dénote par son originalité: j’ai nommé Tears of the sun où la participation de Michèle Raitzin illumine ce morceau d’une fraîcheur avant qu’Andersen et ses comparses nous délivrent un déluge mélodique coupé par des breaks et rehaussé d’un refrain énormissime et d’un solo exubérant. On en sort prostré comme Al Bundy, un soir de saint valentin après que sa volubile épouse lui ait imposé une relation conjugale. :p

Collusion Course est donc une réussite exceptionnelle, un album incontournable de 2008, une perle parfaite qui marquera la carrière du groupe de son empreinte majestueuse.
Alors comment noter un tel chef d’œuvre ???? Comment attribuer une valeur terrestre à ce qui relève des cieux ?? Qu’y a-t-il au-dessus de 10 ??? Bah comme le dirait l’immortel Nigel Tufnel de Spinal Tap : « au-dessus de 10, il y a 11 ! »

0 Comments 19 mars 2008
Whysy

Whysy

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