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Sorti en octobre 2001, Prometheus : The Discipline of Fire and Demise met un terme à une décennie de colère, et marque la fin d'une époque, celle des années Emperor. Aventureux, avant-gardiste, progressif et exceptionnel, on peut le considérer comme le premier album solo d'Ihsahn, ou tout du moins une préquelle autant qu'un point final à une cette décennie magique pour le black metal.

C'est pourquoi, à quelques jours de la sortie du quatrième album solo officiel du maître, je vous propose de faire ce bond de quelques années en arrière, et de nous replonger ensemble dans cet opus complexe, violent, et beau.

Il est une chose à ne jamais oublier avec Ihsahn : malgré toute la finesse dont il sait faire preuve, malgré les éléments mélodiques dont sa musique est truffée, l'homme fait du black, un black agressif et sans concessions. On est loin d'Ulver ou Arcturus : même si dans l'esprit ces trois entités musicales sont proches, on ne saurait séparer le norvégien de ce fond sonore brutal et puissant, de ces riffs ravageurs dont il a été un des grands instigateurs au début des années 90, de cette double-pédale omniprésente.

Prometheus, on va l'appeler ainsi pour faire simple, ne déroge guère à cette habitude, malgré les trémolos de clavecin qui marquent l'introduction du premier morceau, The Eruption. En effet, ce n'était qu'une mise en bouche, inquiétante et sordide, et vous constaterez bien vite que ces préliminaires au teint cadavérique et aux humeurs lancinantes ne s'étaient mués en majestueuse homélie que pour mieux annoncer le riff destructeur et le cri strident qui l'accompagne. Pour autant rien n'est simple, et déjà des choeurs masculins et des cassures rythmiques viennent compliquer l'affaire, jusqu'au refrain, saccadé et incompréhensible.

C'est ainsi qu'est Prometheus, émaillé de riffs brutaux et de choeurs sourds, de chuchotements pervers et de cris perçants. Certains morceaux, tels Empty ou Grey, ressemblent presque à des exercices de style, tant la complexité des structures et des ambiances a été poussée à un paroxysme franchement déroutant. Le plus hallucinant, au regard de ce qui pourrait être considéré comme des élucubrations crowleyennes quasi-inécoutables, c'est que justement, la puissance furibarde qui sous-tend le son d'Emperor en mode Ihsahn Project est faramineuse, et ce grâce à une production franchement impeccable, signée Ihsahn himself.

Pour autant, et je ne vais rien vous cacher, cet album est difficile. Difficile à écouter, difficile voire impossible à comprendre, appréciable pour moult raisons mais certainement pas pour son absence totale de légèreté. Ihsahn a-t-il poussé son mécanisme trop loin ? Certes, la dextérité proverbiale dont il accompagne toutes ses productions est soit fortement louable, soit franchement agréable, c'est selon, je n'ai jamais été un die-hard du fond de cave, vous le savez déjà. Certes, la violence ahurissante de certains passages est assez jouissive, si vous en êtes amateurs comme moi, mais il manque tout de même un petit quelque chose.

Il manque, à Prometheus, ce qui lui aurait fait décrocher la timbale, un peu plus de personnalité, un chouilla d'âme supplémentaire. Sur le sublime He Who Sought The Fire, on se surprend à respirer un peu, lorsque le déluge sonore laisse place à un enchaînement harmonique miraculeux, un agrégat chromatique dont seul Ihsahn, dans la sphère metal, a le secret. Il est bien sûr doublé d'un chorus de guitare aérien, à la manière de With Strength I Burn (vous pouvez lire ma déclaration d'amour à ce morceau dans la chronique de l'album correspondant) ou Alchemist (sur l'excellent AngL), dans une moindre mesure.

C'est ce genre de moments héroïques qui manque à Prometheus, nous laissant parfois l'impression moins agréable d'assister à la démonstration d'un stakhanoviste du break semi-ampoulé, impression fugace fort heureusement. Car, finalement, une fois que vous vous serez acclimatés à ces températures surchauffées, vous pourrez, comme moi, entrevoir le génie, soulever avec les trois norvégiens un coin du voile cosmique.

Ce sera, malheureusement, le chant du cygne pour ce groupe mythique, qui aura marqué de son empreinte indélébile le monde très fermé du black metal en général, scandinave en particulier. Sa musique survivra dans les albums solos d'Ihsahn, Samoth et Trym s'orientant dans une direction black/death avec leur combo fondé en 1998, répondant au doux nom de Zyklon. Un chant du cygne éprouvant et mystique, dont on ne sort pas indemne, pour peu que l'on soit parvenu à le pénétrer.

0 Comments 25 mai 2012
Whysy

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