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Satyricon, groupe de black metal norvégien, légende parmi les légendes, chroniqué sur Heavylaw ? Eh bien oui, mes amis, oui, car voyez-vous, Satyricon, c'est puissant, et y a des mélodies. Si si, y en a.

Le groupe, fondé en 1990-91, est constitué depuis 1997 autour du duo Satyr (Sigurd Wongraven, guitares claviers, basse et chant) et Frost (Kjetil-Vidar Haraldstadt, batterie). A l'origine true black, orientation médiévale, le groupe se singularise par une approche presque rock depuis leur cinquième album, Volcano, paru en 2002. C'est à dire que le black metal de Satyr est un metal lourd, dense, et auquel il manque les guignolades traditionnelles du style. En clair, c'est pas des comiques. Lorgnant parfois vers le doom, privilégiant toujours la simplicité, au service d'une efficacité clinique, les mélodies ne sont guère le cheval de bataille des deux norvégiens. Mais quand même, y en a.

Vous avez sans doute entendu parler de Now, Diabolical, paru en 2006, considéré souvent comme l'album ultime du style (voire du groupe), tant il est vrai que dans cet opus magistral tous les taquets sont à fond, et l'intéressant The Age Of Nero (2008), une semi-déception, ne fera que le confirmer. Néanmoins, on peut considérer que le groupe a atteint sa maturité avec cette trilogie des années 2000, et le succès commercial les a autorisé à prendre un repos bien mérité. Cinq années plus tard, Satyricon revient donc avec cet album sobrement éponyme, et qui, ça reste du black metal, sera numéro 1 dans les charts norvégiens. Et ça commence sous les auspices les plus étranges, puisque Satyr nous offre en guise d'intro sa relecture personnelle de When The Saints Go Marching In, gospel popularisé par Louis Armstrong.

Oui, en fait non, bien sûr, mais je suis le seul à trouver que ça y ressemble à mort ? Pas possible que ce soit un hasard! Vous voulez dire que The Omega Experiment rendant hommage à Thierry Beccaro (véridique) c'était une coïncidence là aussi ? Ah ben merde. Blague à part, ce huitième album commence donc assez mollement avec une intro poussive, heureusement courte, et qui laisse la place au magnifique Tro Org Kraft. Enfin, voilà du Satyricon que l'on aime, lourd, sale, lent, nébuleux, avec la voix inimitable de Satyr, qui grommelle plus qu'il ne crie. Et en plus il nous fait le plaisir de chanter en norvégien, le bonheur est complet ! Avec ses passages atmosphériques, ses évolutions aux accents prog, le duo place d'entrée la barre très haut, et sans doute n'était-ce pas la meilleur des initiatives puisque la tension va très vite retomber d'un cran. Our World, It Rumbles Tonight, est un honnête morceau comme il y en a quelques uns depuis une décennie maintenant, à entendre sur un album des norvégiens. Mais pas de quoi en faire une thèse, passons.

Cet album, d'une qualité équilibrée sans être transcendantale, ne restera sans doute pas dans les annales comme le meilleur effort du groupe, il lui manque une certaine homogénéité. Au sein d'un contexte trop homogène. Argh, je m'emmêle, et ça devient incompréhensible. Disons qu'au milieu d'un album assez cohérent, composé de temps forts et de passages plus lents (mais peut-être un peu ennuyeux à la longue) se détachent un chef d’œuvre et une expérience réussie, ce qui laisse un goût d'inachevé. On aurait voulu que Satyr, un peu plus courageusement, nous propose plus d'un morceau de la trempe de Nocturnal Flare, et plus d'une tentative (elle pour le coup très courageuse) du style Phoenix, le fameux objet du délit. Plutôt que de se limiter à ces deux exemples, et pour le reste, se cantonner un peu à ce qui a fait son succès. Mais dans le fond, comment le lui reprocher ? Il est vrai que le black metal (et a fortiori le true black), a toujours été la chasse gardée des intégristes de l'intégrité, il serait facile de reprocher à Satyricon de faire une musique à des fins... commerciales (n'oublions pas qu'ils sont n°1 en Norvège).

Eh bien ce raisonnement n'a aucun sens. Car voyez-vous, oui, peut-être que l'album dans son ensemble n'est pas aussi créatif et novateur qu'on aurait pu l'espérer, mais c'est pas non plus de la dance music. Et s'il est n°1 en Norvège, je tourne plutôt mon regard vers les norvégiens, qui m'ont l'air d'être des gens absolument géniaux pour plébisciter un album aussi peu grand public. Impossible de considérer Tro Org Kraft, The Infinity Of Time And Space ou Walker Upon The Wind comme du remplissage, les riffs sont démentiels, l'ambiance glaciale, mais il est vrai que l'ensemble de cet opus souffre de la comparaison avec Nocturnal Flare. Et à raison.

Car mes amis, écoutez-moi cette tuerie, cette atmosphère morbide délicieuse, et ce refrain incroyable, le talent de Satyr pour unir deux ou trois accords en un seul gimmick démoniaque est à son paroxysme. Jugez plutôt :

The grave of our kind, lies open to us
And nothing can hold us back
Nocturnal flare - hallow cries
Nocturnal flare

La tombe de notre espèce gît ouverte à nos pieds
Et rien ne pourra nous retenir
Flamboiement nocturne – sanctifie les cris
Flamboiement nocturne

L'autre aspect de cet étrange duel, c'est justement le morceau suivant, le fameux Phoenix. Ce qui a fait parler c'est qu'y est invité Sivert Hoyem, chanteur rock norvégien, qui n'a pas grand chose à voir avec le black metal. Eh bien je ne vais pas me retenir de dire que toute cette polémique est assez ridicule, car au final on s'aperçoit qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Le morceau est sympathique, très différent effectivement, mais il n'est ni génial, ni nul. Est-ce un choix commercial ? Peut-être, auquel cas y aurait pas mort d'homme non plus, pas besoin de s'exciter. Et s'il s'avère que Satyr est vraiment fan de Madrugada et qu'il voulait surtout se faire plaisir, les haters en seront pour leur frais.

Au final c'est un album plutôt réussi que ce Satyricon, même si on aurait pu espérer quelque chose de plus marquant après cinq années d'attente.

0 Comments 11 mai 2014
Whysy

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