« Pardonnez-moi Seigneur parce que j’ai péché. » C’est par ces mots que je commençais, dimanche dernier, ma prière hebdomadaire destinée au Dieu tout puissant, le seul, celui du Heavy Metal. « Oui pardonnez-moi Seigneur car samedi j’ai regardé cette mascarade de concours musical qu’est l’Eurovision. » À peine avais-je terminé cette inavouable confession que l’incroyable se produisit : je fus le témoin d’une apparition. D’abord une silhouette brumeuse, qui rapidement prit forme humaine, pour devenir un être que je décrierais comme un mélange entre le Père Fouras et le guerrier qui orne les pochettes de Manowar. L'apparition me pointa du doigt et me lança : « Pauvre mortel, si tu continues comme ça tu finiras sous peu adulateur de la star ac’.» Et sortant un cd de sa besace il continua : « Écoute-ça, et alors j’accepterai ton repentir. » Il me tendit alors le dernier album de Crusader intitulé Skin Clad.

À la fois terrifié et fasciné par cette toute puissance certainement venue des ténèbres, je ne pouvais qu’accepter l’offrande, juste avant que le menaçant messager ne reparte comme il était arrivé, par enchantement. Il ne me restait qu’une seule chose à faire : écouter le disque que je tenais très fort dans mes mains comme pour ne pas laisser échapper la seule preuve matérielle de cette expérience extraordinaire. Et puis, une question me taraudait l’esprit, ce mystérieux messager m’avait-il refilé une bouse pour me punir de mon infidélité, ou bien m’avait-il offert une tuerie dévastatrice pour m’aider à revenir dans le droit chemin du Metal ?

Dès le premier titre, Casualty, j’ai malheureusement compris que c’était la première hypothèse qui allait s’imposer. Pire encore, à ce moment-là je ne savais pas que c’était le titre le moins mauvais de l’album. Il faut dire qu’avec son solo clavier rappelant étrangement les accompagnements musicaux de l’émission culte « Tournez Manège », et ses bruitages de voitures de police américaines comme dans la non moins culte série « Starsky et Hutch », cette chanson m’a plutôt amusé. La suite de l’album, un heavy très traditionnel, simpliste et très mal produit, a rapidement tourné au supplice.

Le chanteur est le fruit d’une tentative ratée de clonage sur Eric Adams. Son étendue vocale ne dépasse guère une octave et demie, il s’en sort comme il peut, certes avec conviction, sur des mélodies probablement composées sur des toilettes un jour de diarrhée, sans saveur aucune. Les guitaristes, eux, sont clairement en manque d’inspiration, sans parler du manque de talent dans l’exécution des riffs et soli. Mais la palme du mauvais goût et l’oscar de la bouffonnerie reviennent tous deux au claviériste. Essayant d’apporter à la musique des ambiances avec des sonorités d’orgue pour faire comme Deep Purple, il s’en sort tellement mal que la musique de Crusader tourne à la catastrophe dès qu’il entre en scène. Sans inspiration ni technique, ses parties de claviers sont immensément pauvres et tellement rétros qu’elles n’intéresseront personne. Il insiste pourtant jusqu’en fin d’album, où Crusader s’embarque dans une tournure folk bizarre et foireuse dont la seule ambiance perceptible fait plutôt « fête foraine glauque ».

La production est aussi très mauvaise, au point que le tout semble avoir été directement généré par un synthétiseur bon marché, y compris la batterie. Bref, la production exécrable enfonce encore un peu plus des compositions déjà irrécupérables. Il s’agit quand même du troisième album des belges de Crusader, et sans connaître les deux précédents, j’en conclus que le groupe va vraiment devoir se mettre un coup de pied aux fesses et commencer sérieusement à progresser s’il veut un jour avoir une certaine reconnaissance.

Personnellement, cet album m’a permis de laver mes péchés, c’est cool ça va me permettre d’éviter le purgatoire des Métalleux, sanctuaire de tortures où on passe du Crusader en boucle. Oui, c’est mon messager qui me l’a dit, car il est revenu me voir depuis, mais cela est une autre histoire…