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Il en est de ces albums qui savent trouver le ton parfait pour se rendre inoubliables. Ce genre de disque s’écoute sans modération, encore et encore. D’un autre côté, il y a des productions que l’on déteste sans que l’on puisse mettre le doigt sur ce qui nous irrite ou non. Tout le monde fait des réactions épidermiques à certains opus, que les raisons en soient rationnelles ou fantaisistes. Enfin, entre ces deux groupes bien distincts mais qui ont en commun les passions, positives ou négatives qu’ils suscitent, il y a une troisième catégorie d’albums : ceux qui ne déclenchent rien. Ni rejet, ni plaisir. Ni haine, ni adoration. Rien. Juste peut-être l’impression de se trouver devant un vide immense. Et malheureusement pour Bilocate, leur Summoning the Bygones se trouve dans cette dernière catégorie.

Malheureusement, parce qu’en 2008, les Jordaniens avaient produit un album très correct, qui sans révolutionner le genre, parvenait à retenir un peu l’attention avec son doom/death. Summoning the Bygones est toujours composé dans la même veine. Les musiciens proposent des morceaux complexes aux influences mélodiques langoureuses (« 2nd War in Heaven ») ou orientales comme sur le morceau d’ouverture « The Tragedy Within ». Bilocate a su aussi garder un côté rentre-dedans qui souligne la noirceur des paroles. D’ailleurs, on se rend compte que, techniquement, le groupe originaire de Jordanie fait du bon boulot. Sa capacité à créer des pistes alambiquées et denses est, sans aucun doute, à porter au crédit de Summoning the Bygones.

Cependant, passé les premiers instant de grâce dues à la découverte pure, on se rend compte de malgré la maîtrise de leurs instruments , Bilocate a voulu trop en faire et a oublié de privilégier l’harmonie de l’écoute à la virtuosité. Les titres oscillent entre moments énervés et passages mélodiques très calmes (« The Tragedy Within ») sans que cela soit vraiment pertinent. « Beyond Inner Sleep » souffre de la même tare, en plus de son étrange début (comme si on atterrissait soudainement au milieu d’un morceau déjà entamé).  Cette perpétuelle inconstante est fatigante à suivre surtout qu’elle se retrouve sur la totalite de l’opus.

De toute façon, il est difficile de se concentrer sur toutes les modulations de Summoning The Bygones tant l’album glisse sur l’auditeur. La faute à pas de chance ? A des morceaux, et  a fortiori, à un album, beaucoup trop longs plutôt ! «  A Deadly Path » se traîne sur 10 minutes poussives et torturées à l’extrême tandis que  le morceau final, même si découpé en trois parties qui peuvent s’écouter individuellement, finit de nous assommer avec ses 20 minutes au compteur. Dans ce contexte,  la reprise de Paradise Lost « Dead Emotion », qui se glisse sur en plein milieu de l’album, apparait comme complètement dispensable puisqu’elle alourdit encore Summoning the Bygones.

Ensuite, le chant, qu’il soit clair ou hurlé, est plutôt faible. Les parties « narratives » desservent complètement les chansons et cassent le rythme plus qu’autre chose. Le timbre de Ramzi Essayed est trop fuyant pour captiver malgré des tentatives pour muscler sa voix (« Hypia »). On aimerait croire au jeu du pauvre bougre qui a l’air sincère dans sa démarche. Hélas, ses cris déchirants ne rencontrent que l’écho de notre indifférence, surtout quand on passe au parties plus douces pendant lesquelles survient l’impression très nette que Bilocate ne se satisfait pas de son style et essaie, doucement mais surement, de virer de bord (« Hypia » à nouveau).  « Passage » aurait être une bonne idée si il n’avait pas semblé que les traits ont été excessivement forcés.

Sudden Death Syndrome ne semblait pas avoir tant de mal à se dérouler, surtout sur la deuxième moitié de l’album. Pourtant, même après quelques écoutes, Summoning the Bygones ne marque pas. On entend les défauts quand ils sont à portée d’oreilles mais sitôt que « Of Leaving » se termine, il ne reste rien. Pas écho, pas d’air à fredonner. C’est le silence qui règne… et  le sentiment honteux d’avoir perdu son temps, aussi, un peu. C’est bien joli de vouloir invoquer des temps révolus, encore faut-il que Bilocate se rendre compte que sa musique sonnait mieux.

Un album comme Summoning The Bygones c’est finalement très frustrant parce qu’on a constamment l’impression de manquer quelque chose mais sans parvenir à comprendre vraiment ce que c’est. Bilocate fait bien son boulot, c’est indéniable, mais la musique que le groupe propose ne parvient pas à atteindre un autre niveau que celui, poli et trop lisse, du travail accompli. Et, fatalement, arrive le moment, où l’auditeur, fatigué de partir en quête d’un Graal éternellement inaccessible pour lui, tourne ses oreilles vers d’autres pâturages musicaux. Ca pourrait être triste si, finalement, on en avait quelque chose à cirer.

Nola

0 Comments 27 juin 2012
Whysy

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