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Même les plus belles histoires ont une fin, Devin Townsend l’a bien compris et c’est avec un soupçon de rancœur qu’il prend sa retraite, ou du moins, quelques vacances. L’homme est une figure emblématique du monde extrême aussi bien par son excellent travail de producteur, que par sa folle créativité que beaucoup disent infinie. Ses différentes interviews pouvaient le laisser présager, il semblait moins sûr de lui, comme s’il doutait de quelque chose ce qui n’est pas pour rassurer les hordes de fans. « The New Black » est le 5e album studio de Strapping Young Lad et force est de reconnaître qu’à l’image de son géniteur, le groupe a vieilli et termine ici sa métamorphose. Au fil des années la musique s’est assagi au profit d’un univers moins chaotique, moins hystérique, plus calme et plus posé. L’alchimie était parfaite pour « Alien ». Cette fois-ci le groupe semble être allé trop loin, il perd ses racines et « The New Black » s’avère être le plus mauvais album de sa carrière.

Qu’il s’agisse de sa personnalité extrême avec « Strapping Young Lad » ou de son aspect plus schizophrène en l’occurrence son projet solo « The Devin Townsend Band » , notre homme a accompli une carrière exemplaire et son génie musical est aujourd’hui reconnu dans le monde métal et progressif. Avec un rythme de travail effréné il n’est pas si surprenant qu’un jour le rêve s’évanouisse. Devin Townsend n’est pas un puits de science intarissable, c’est un humain vieillissant comme nous tous, et il est fatigué. La critique sera très sévère, notre homme nous a habitués à des sommets de créativité, il est d’autant plus décevant de le voir se brider pour nous offrir au final un album sans ampleur, preuve d’un déclin inéluctable.

Strapping Young Lad a été à l’origine d’un métal expérimental, l’évolution vers une musique plus mélodique s’est faite naturellement tout en respectant ses bases venimeuses et agressives. Cette musique a toujours été un exutoire, une manière violente et artistique de cracher sa haine juvénile. Les années ont passé, Devin a mûri, la musique s’est éclaircie jusqu'à perdre l’essence même de ce qui fit, à l’époque, le succès incroyable de la jeune formation : la spontanéité. « The New Black » est un album calculé empli de tubes, parfois formatés dans une facilité déconcertante. Je pense aux ignobles « Fucker » et « Monument » . D’un point de vue général, ce nouvel album manque cruellement d’ambition, on est très loin des déflagrations sonores d’antan, et Devin se complait dans un univers caricatural de son imposante carrière. On sent un désir d’être gratuitement agressif avec le très catchy « Decimator » ou l’excessif « You Suck » … Mais est-ce véritablement une volonté de retour aux sources ou juste une vaine tentative de sonner violent pour plaire à un large auditoire ? Vu la facilité de ces deux chansons, la question reste en suspend !

Les guitares sonnent peu agressives, les riffs se montrent moins tranchants et les différentes mélodies semblent moins percutantes car moins travaillées. L’utilisation de samples apocalyptiques semble avoir été oubliée, cela est fort dommage car ils apportaient une texture et un impact supplémentaire à la musique. Strapping Young Lad a toujours reposé sur un line up solide, techniquement c’est assez irréprochable bien que les structures manquent de folie, les mélodies manquent d’audace et le songwriting manque de complexité. Pour un groupe qui nous a habitués à de l’excessif, il est triste de remarquer à quel point la prise de risque est inexistante… Vocalement Devin Townsend assure comme à son habitude. Il est pourtant dommage de constater que le chant clair l’emporte sur le chant extrême, connaissant sa qualité et sa puissance il aurait dû être mieux utilisé.

Bien heureusement tout n’est pas si sombre et « The New Black » n’a rien de l’échec complet. On note de temps à autres d’excellentes idées qui auraient néanmoins méritées d’être approfondies. Je pense notamment aux cuivres sur « Antiproduct » (chanson particulièrement répétitive) et aux nombreux guests. La voix féminine qui illumine « Fucker » ne sauve pas la chanson de l’ennuie. Certaines chansons parviennent à se sortir de la masse et montre que Devin a encore de la ressource. « Far Beyond Metal » est la version studio de la célèbre chanson live, un excellent titre avec l’honorable performance de Oderus Urungus (GWAR). La progressive « Hope » est une surprenante montée en puissance qui succède à la non moins réussie « Wrong Side » : une chanson rapide, dynamique et sans détour. Je pense qu’il s’agit là d’un album hétérogène où le très bon s'accompagne du passable. La palme revient d’ailleurs à la dernière chanson, « The New Black » où l’excellent côtoie le médiocre.

Au final nous tirons un triste état des lieux et force est de constater que « The New Black » est un album qui divise. Tandis que les nostalgiques verront un album pénible, les autres seront abusés par ce qui n’est que poudre aux yeux. La réalité est telle : ce nouvel album n’est pas un mauvais disque en soi mais il souligne le manque d’ambition de son frontman. Devin a senti qu’il était temps de prendre des vacances, en espérant que son retour se fasse par la grande porte…

…TeRyX…

0 Comments 03 juillet 2006
Whysy

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